Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/587

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n’ai aucune raison de craindre le duc de Buckingham, dit Peveril ; si j’ai eu à faire avec quelqu’un de sa maison, c’est la faute de cet homme et non la mienne. — Parbleu ! dit le roi, je commence à y voir clair. Il me semblait bien aussi que je me remettais ta physionomie : n’es-tu pas la même personne que je rencontrai chez Chiffinch un de ces matins ? La chose ne m’était pas revenue en mémoire depuis ; mais tu me dis alors, je m’en souviens maintenant, que tu étais le fils de ce joyeux baronnet qui se tient là-bas la panse garnie de ses trois bouteilles. — Il est vrai, sire, dit Julien, que j’ai rencontré Votre Majesté chez M. Chiffinch, où je crains d’avoir eu le malheur de vous déplaire ; mais… — Ne parlons plus de cela, jeune homme, ne parlons plus de cela ; mais je me rappelle que vous aviez avec vous cette belle sirène dansante… Buckingham, je vous parie de l’or contre de l’argent à poids égal, que c’était elle qui était destinée à occuper l’intérieur du violoncelle ? — Votre Majesté a deviné, dit le duc ; et je soupçonne qu’elle m’a joué un tour en substituant le nain à sa place ; car Christian…. — Au diable Christian ! dit avec impatience le roi ; « je voudrais qu’on l’amenât ici, cet homme éternel à qui l’on renvoie toujours la balle. » À peine ce désir avait-il été manifesté, que l’on annonça l’arrivée de Christian. « Qu’il entre, dit le roi ; mais attendez, il me vient une idée. Dites-moi, monsieur Peveril, cette danseuse qui sut vous donner accès auprès de nous par la singulière légèreté de sa danse, n’appartient-elle pas, selon votre dire, à la comtesse de Derby ? — Je l’ai vue au service de cette dame pendant des années, répondit Julien. — Alors nous ferons venir la comtesse, dit le roi. Il est bon que nous sachions qu’elle est au vrai cette petite sylphide : et si elle est aujourd’hui si complètement aux ordres de Buckingham et de son Christian, je pense qu’il serait charitable d’instruire Sa Seigneurie de tout cela car je doute qu’elle veuille, dans ce cas, la garder à son service. De plus, » continua-t-il en se parlant à lui-même, ce Julien, qu’il y a également lieu de soupçonner dans cette affaire, d’après son silence obstiné, est aussi de la maison de la comtesse. Nous coulerons cette affaire à fond, et rendrons à chacun ce qui lui est dû. »

La comtesse de Derby, qui avait été aussitôt prévenue, entrait dans le cabinet du roi par une porte au moment même où Christian et Zarah ou Fenella, étaient introduits par l’autre. Le vieux chevalier de Martindale, qui était rentré auparavant, pouvait à peine se contenir, malgré les signes que lui faisait la comtesse, tant il désirait saluer son ancienne amie ; mais d’Ormond, le retenant par le bras d’une main officieuse, finit par le déterminer à rester tranquille.

Lady Derby, après une profonde révérence faite au roi, adressa