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Tandis que plusieurs rapports arrivaient du dehors, et que le roi en discutait l’importance avec ceux qu’il avait jugé à propos de consulter en cette occasion, la tristesse et l’inquiétude se mêlèrent par degrés à la gaieté de la soirée, et finirent par l’étouffer. Tout le monde s’aperçut qu’il se passait quelque chose d’étrange, et le long temps pendant lequel Charles se tenait, contre son habitude, éloigné des personnes réunies au palais, en ajoutant à l’air d’ennui qui commençait à dominer dans le salon de réception, donna lieu de supposer que l’esprit du roi était préoccupé de quelque objet extraordinaire.

Les tables de jeu étaient abandonnées. La musique se taisait, ou jouait sans être écoutée. Les galants cessèrent de faire des compliments et les dames de les entendre ; et une sorte du curiosité qui tenait de la crainte se répandit dans toute l’assemblée. On se demandait les uns aux autres pourquoi l’on était si sérieux ; et l’on ne recevait pas plus de réponse qu’on eût pu en obtenir d’un troupeau de bétail troublé par instinct à l’approche de l’orage.

Pour ajouter à la stupeur générale, il commença à circuler sourdement qu’une ou deux personnes, ayant désiré sortir du palais, avaient été informées que nul ne pourrait se retirer avant l’heure du départ général. Lorsqu’elles revinrent dans le salon, elles annoncèrent tout bas à leurs connaissances que les sentinelles des portes étaient doublées, et qu’un détachement des gardes à cheval était rangé en bataille dans la cour : circonstances tellement inaccoutumées, qu’elles excitèrent la curiosité et l’anxiété la plus vive.

Telle était la situation de la cour lorsqu’on entendit le bruit d’une voiture à l’extérieur, et le mouvement qui s’ensuivit annonça l’arrivée de quelque personnage important.

« Voici, dit le roi, Chiffinch qui arrive avec sa proie entre les griffes. »

C’était en effet le duc de Buckingham, et il n’approchait pas sans émotion du lieu où il allait se retrouver en présence du roi. Quand il entra dans la cour du palais, la lumière des flambeaux que l’on portait autour de la voiture se réfléchit sur les habits écarlates, les chapeaux bordés, et les sabres nus des gardes à cheval, spectacle inaccoutumé, fait pour inspirer la terreur à une conscience qui n’était pas des plus nettes.

Le duc descendit de voiture, et se contenta de dire à l’officier