Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/574

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l’objet le plus cher de mes secrètes pensées : je veux dire mon affection sans espoir pour Julien Peveril ; et ne te sers de moi pour aucun des pièges que tu pourrais avoir envie de lui tendre. Vous et votre duc maudirez amèrement l’instant où vous m’aurez provoquée. Vous pouvez croire que vous me tenez en votre pouvoir ; mais rappelez-vous que les serpents du climat brûlant qui m’a vu naître ne sont jamais plus dangereux que lorsqu’on les étreint. — Je m’embarrasse peu de ces Peveril, dit Christian ; leur sort ne m’importe pas plus qu’un fétu, si ce n’est en tant qu’il se lie à celui de la femme réservée à ma vengeance, et dont les mains sont rougies du sang de votre père. Croyez-moi, je puis séparer son sort du leur ; je vous expliquerai comment. Quant au duc, il peut passer parmi les hommes de la ville pour un homme d’esprit ; parmi les gens de guerre, il a une réputation de valeur ; ses manières et sa figure le font remarquer à la cour : pourquoi donc le rang élevé qu’il occupe et son immense fortune ne vous détermineraient-ils pas à saisir une occasion dont je suis maintenant à même de tirer parti ?… — Ne me parle pas de cela, dit Zarah, si tu veux que notre trêve (rappelle-toi que ce n’est pas une paix), si, dis-je, tu veux que notre trêve dure une heure. — Voilà donc, » dit Christian, faisant un dernier effort pour intéresser la vanité de cet être singulier, « voilà celle qui se prétendait si supérieure aux passions humaines, qu’elle pouvait avec une égale indifférence visiter la demeure des grands et la cellule des captifs, sans éprouver de sympathie pour les plaisirs des uns ou pour les malheurs des autres qui poursuivait ses desseins d’un pas ferme quoique silencieux, sans jamais se laisser émouvoir par l’image des prospérités ou des revers. — Mes desseins ! répondit Zarah. — Tu veux dire tes desseins, Christian : ces stratagèmes inventés pour arracher aux prisonniers par surprise des moyens de conviction contre eux ; ces plans formés avec des hommes plus puissants que toi, pour sonder le secret des consciences, afin d’en tirer parti comme sujet d’accusation, et d’entretenir ainsi la grande illusion qui fascine le peuple. — Vous avez eu, en effet, accès dans les prisons comme mon agent, dit Christian, et pour favoriser un grand changement national. Mais comment en avez-vous profité ? Pour servir les intérêts de votre passion insensée. — Insensée ! dit Zarah. Si celui qui me l’a fait éprouver n’eût pas été plus qu’insensé, lui et moi serions, il y a long-temps, bien loin des embûches que vous nous tendez à tous deux. Mes prépa-