Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/57

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Mais le parti puritain, quoique abandonné par l’inconstance et l’égoïsme, ne se regardait point comme vaincu : un enthousiasme solennel, un attachement profond à leurs principes sévères, une grande confiance dans la sincérité de leurs motifs, et le mâle orgueil qui les portait à tenir aussi opiniâtrement à leurs premières opinions que le voyageur de la fable tenait à son manteau au milieu de la tempête, faisaient que l’on comptait parmi les puritains beaucoup de gens qui, s’ils n’étaient pas redoutables par leur nombre, l’étaient au moins par leur caractère. Ce parti se composait principalement de la noblesse de moyenne classe et de gens qui, par leur industrie et d’heureuses spéculations de commerce, avaient acquis une certaine prépondérance ; puis enfin de ces hommes auxquels l’ambition et l’orgueil de l’aristocratie portent ombrage, et qui se montrent ordinairement le plus zélés à défendre ce qu’ils regardent comme leurs droits. Leur costume était en général dépouillé de toute ostentation ; il était même d’une simplicité affectée, qui allait jusqu’à la négligence et le rendait alors remarquable. La couleur triste de leurs manteaux ne variait que du noir absolu à ce qu’on appelle les couleurs sombres. Leurs chapeaux à haute forme et à larges bords, leurs longs sabres suspendus à leur ceinture par une simple courroie attachée autour des reins sans baudrier, sans nœud d’épée, sans boucle, et sans aucun des ornements dont les cavaliers aimaient à décorer leur fidèle et vaillante épée ; leurs cheveux coupés très-courts, de manière à faire paraître leurs oreilles d’une longueur démesurée, et, par dessus tout, la gravité de leur maintien, leurs regards sombres, annonçaient qu’ils appartenaient à cette classe d’enthousiastes qui, après avoir brisé avec audace et intrépidité l’édifice ruiné de l’ancien gouvernement, ne voyaient qu’avec un œil de défiance celui qu’on y avait substitué. Il y avait de la tristesse dans leur contenance, mais ce n’était pas celle du découragement, encore moins celle du désespoir. Ils ressemblaient à de braves vétérans après une défaite qui les arrête tout à coup dans leur carrière de gloire et fait une blessure sanglante à leur orgueil, mais sans rien ôter à leur courage.

La mélancolie habituelle que le malheur avait répandue sur les traits du major Bridgenorth convenait parfaitement au chef du parti qui s’avançait alors vers le château de Martindale. Lorsqu’ils arrivèrent à l’endroit où ils devaient se détourner pour entrer dans le bois qui entourait le château, ils éprouvèrent une