Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/567

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beau-frère en lui rendant sa fille, poussé, de plus, comme je le crois, par le désir particulier de jouer un tour à Votre Grâce. — Hom ! je m’en doutais ; mais je le lui revaudrai, dit le duc. Sortons d’abord de ce mauvais pas. Ainsi, cette sorcière était son démon familier, et elle s’était mise du complot pour me tourmenter ? Mais nous voici à White-Hall. Maintenant, Chiffinch, n’oublie pas ta parole ; et toi, Buckingham, montre-toi digne de toi-même ! »

Mais avant de suivre Buckingham dans les appartements où il avait un rôle si difficile à soutenir, il ne sera pas inutile de savoir ce que devint Christian, après son court entretien avec le duc. Il rentra dans la maison en suivant un passage plein de détours, qui, partant d’une ruelle écartée, traversait plusieurs cours, et se hâta de gagner une salle basse, garnie de nattes, dans laquelle était assis Bridgenorth, seul, lisant la Bible à la clarté d’une petite lampe de bronze, avec le visage le plus serein.

« Avez-vous renvoyé les Peveril ? » demanda Christian dès qu’il fut entré.

« Oui, dit le major. — Et sur quelle garantie ? qu’ils n’iront pas vous dénoncer à White-Hall ? — Ils m’en ont fait la promesse d’eux-mêmes, lorsque je leur ai montré que nos amis en armes avaient été renvoyés. C’est demain, je crois, qu’ils iront faire leur déclaration. — Et pourquoi pas ce soir, je vous prie ? dit Christian. — Parce qu’ils nous accordent ce temps pour fuir. — Pourquoi donc n’en profitez-vous pas ? Comment êtes-vous encore ici ? dit Christian. — Eh mais ! vous-même, pourquoi ne fuyez-vous pas ? dit Bridgenorth. Certainement, vous êtes tout aussi compromis que moi. — Frère Bridgenorth, moi je suis le renard qui connaît cent manières de tromper les chiens ; vous, vous êtes le daim, dont la seule ressource consiste dans une prompte fuite. Ainsi, ainsi ne perdez pas de temps : partez pour la campagne, ou plutôt non… le vaisseau de Zedekiah Fish, la bonne Espérance, est sur la rivière, prêt à faire voile pour la Massachussets : prenez les ailes du matin, et partez ; il peut descendre à Gravesend avec la marée. — Que je parte, et que je vous laisse la direction de ma fortune et de ma fille, Christian ! dit Bridgenorth. Non, mon frère ; il faut que vous soyez réhabilité dans mon opinion, avant que je vous rende ma confiance. — Fais donc ce qu’il te plaira, fou soupçonneux, » dit Christian, réprimant le vif désir qu’il avait de se servir d’expressions plus offensantes ; « ou plutôt reste où tu es ; et cours la chance d’être pendu ! — Tout homme doit mourir une