Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/553

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gnant d’adresser aucune question qui pût me faire découvrir avant d’avoir vu Votre Majesté. — Et maintenant que nous avons eu une explication, » dit le roi en lui prenant la main avec bonté, « tout en vous assurant du plaisir que j’ai de vous voir, puis-je vous conseiller de retourner dans votre île royale avec aussi peu d’éclat que vous en êtes venue ? Le monde, ma chère comtesse, est bien changé depuis le temps où vous étiez jeune. Il y avait alors guerre civile, on se battait avec des épées et des mousquets ; nous combattons à présent avec des actes d’accusation, des serments, et d’autres armes légales du même genre. Vous ne connaissez rien à ce genre de guerre ; et quoique je sache parfaitement que vous êtes capable de défendre un château fort, je doute que vous possédiez l’art de parer une accusation. Ce complot a fondu sur nous comme une tempête ; et tant que la tempête sévit, impossible de gouverner le navire : il faut se diriger vers le port le plus proche, heureux encore si l’on peut le gagner ! — C’est lâcheté, sire, s’écria la comtesse ; pardonnez-moi ce mot, ce n’est qu’une femme qui la prononcé ; appelez vos nobles amis autour de vous, et soutenez le choc comme votre royal père. Il n’y a que le bien ou le mal, qu’un chemin honorable et droit : tous les sentiers qui en dévient sont obliques et honteux. — Votre langage, ma vénérable amie, » dit d’Ormond, qui vit la nécessité d’intervenir entre la dignité du souverain et la trop franche liberté de la comtesse, plus accoutumée à recevoir qu’à donner des marques de respect ; « votre langage est plein d’énergie, mais il convient mal aux circonstances présentes. Il pourrait occasionner un renouvellement de guerre civile et tous les maux qui en résultent, mais il n’amènerait que difficilement les effets que vous en attendez avec tant de confiance. — Vous êtes trop téméraire, madame la comtesse, dit d’Arlington ; non seulement vous courez vous-même au devant du péril, mais encore vous voulez y entraîner Sa Majesté. Permettez-moi de vous dire franchement que, dans ces conjonctures périlleuses, vous avez mal fait de quitter le château de Rushin, où vous étiez au moins en sûreté, pour vous exposer au risque d’obtenir un logement dans la Tour de Londres. — Et quand je devrais y voir ma tête sur le billot, répliqua la comtesse, comme mon mari à Bolton, j’y consentirais volontiers, plutôt que d’abandonner un ami, et un ami surtout qui, comme le jeune Peveril, n’a couru un tel danger que par ma faute ! — Mais ne vous ai-je pas assuré que les deux Peveril,