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CHAPITRE XLV.

SOIRÉE À LA COUR.


C’était grande fête ce jour-là : les lambris dorés retentissaient de joyeux toasts ; les pas des danseurs suivaient la cadence de la musique ; le joueur toujours gai risquait un monceau d’or, et riait également, soit qu’il augmentât ou qu’il diminuât : car l’air de la cour a une vertu toute puissante pour enseigner la patience, que les philosophes prêchent en vain.
Pourquoi ne venez-vous pas à la cour ?


Dans l’après-dîner de ce même jour si fertile en événements, Charles tint sa cour dans les appartements de la reine, ouverts à une certaine heure pour les personnes invitées, qui seulement n’appartenaient pas aux plus hautes classes, mais accessible sans aucune restriction aux nobles des premiers rangs et aux courtisans ordinaires qui tenaient les uns de leur naissance, les autres de leurs charges, le privilège de leurs entrées.

Un des traits caractéristiques de Charles, celui qui, sans aucun doute, le rendait personnellement populaire, et retarda jusqu’à un autre règne la chute de sa famille, c’était d’avoir banni de sa cour une partie de ce ridicule cérémonial qui autrefois entourait les souverains. Il avait conscience des grâces naturelles de sa bonté naïve, et s’y fiait, non sans raison, pour détruire les mauvaises impressions qu’avaient dû produire certaines actions qu’il sentait ne pouvoir être justifiées par la raison morale ou la politique.

Durant la journée, on voyait souvent le roi se promener seul dans les endroits publics, ou accompagné d’une ou de deux personnes seulement et sa réponse aux remontrances de son frère, sur le risque qu’il courait en exposant ainsi sa personne, est bien connue : « Croyez-moi, Jacques, lui disait-il, personne ne m’assassinera pour vous faire roi. »

De même, les soirées de Charles, lorsqu’elles n’étaient pas consacrées à des plaisirs plus secrets, se passaient fréquemment au milieu des personnes qui avaient le moins de droits à figurer dans le cercle de la cour ; et il en était ainsi le jour dont nous parlons. La reine Catherine, tout à fait résignée à son destin, avait depuis long-temps cessé de nourrir aucun sentiment de jalousie, et semblait tellement morte à cette passion, qu’elle recevait chez elle et sans aucun scrupule, même avec bienveillance, les duchesses de