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Non, j’ai déjà une fois aujourd’hui fléchi le genou devant lui, et il a rejeté ma demande un peu lestement. Être rebuté une seule fois en un jour, c’est bien assez pour Buckingham. »

Après s’être livré à ces réflexions, il s’assit et dressa en toute hâte une liste de jeunes nobles, de gens de qualité, et d’autres, leurs très-ignobles compagnons, qu’il supposait devoir consentir à le prendre pour chef en cas d’une insurrection populaire. Il l’avait presque terminée, lorsque Jerningham revint annoncer que la voiture serait prête dans un instant, et apporter l’épée, le chapeau et le manteau de son maître.

« Que le cocher remise, dit le duc, mais se tienne prêt à sortir au premier signal. Envoyez chez toutes les personnes dont les noms se trouvent sur cette liste ; dites que je suis indisposé, et que je désire qu’elles acceptent une petite collation. Que cette commission soit exécutée sur-le-champ, et ne regardez pas à la dépense. »

Les préparatifs de la fête furent bientôt faits ; et les convives invités, gens qui pour la plupart avaient toujours le temps de répondre à l’appel du plaisir, quoique plus sourds parfois à celui du devoir, ne tardèrent pas à se réunir. La plupart étaient des jeunes gens d’une haute naissance ; avec eux se trouvaient, comme c’est l’ordinaire en de pareilles réunions, beaucoup d’hommes de différentes classes, qui par leurs talents, ou leur impudence, leur esprit ou leur amour du jeu, étaient devenus les compagnons de ces grands seigneurs élégants : le duc de Buckingham était le patron général des gens de cette espèce, et en cette occasion l’assemblée fut très nombreuse.

Rien ne manqua de ce qui pouvait selon l’usage rendre la fête joyeuse et animée : les vins, la musique et les jeux de hasard. Mais tout cela était alors assaisonné de ces vives et spirituelles saillies que les hommes d’aujourd’hui seraient incapables de prodiguer aussi abondamment dans la conversation, et de ces propos licencieux que le goût du siècle présent condamne avec une juste sévérité.

Le duc lui-même prouva l’empire absolu qu’il possédait sur son caractère versatile, en ne cessant de badiner, de rire et de plaisanter, tandis que son oreille saisissait avec le plus vif empressement les sous les plus éloignés qui pouvaient indiquer le commencement de la tentative révolutionnaire de Christian. Il en entendit plusieurs de temps à autre, mais qui tous mouraient