Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/514

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sieur l’attorney, répliqua le juge. Voilà ce que c’est que de ne pas tenir les témoins de la couronne réunis ensemble et tout prêts ; je ne puis assurément répondre des conséquences. — Ni moi non plus, milord, » repartit l’attorney d’un ton piqué. « J’aurais prouvé par le témoignage du digne maître Bridgenorth, juge de paix, l’ancienne amitié qui existe entre sir Geoffrey Peveril et la comtesse de Derby, sur les actes et les intentions de laquelle le docteur Oates vous a fait une déposition si évidente ; j’aurais prouvé qu’il lui avait donné asile dans son château malgré un mandat d’arrêt lancé contre elle, et qu’il l’a soustraite par la force des armes aux poursuites de ce même juge de paix Bridgenorth, non sans recourir à de véritables violences ; en outre j’aurais prouvé contre le jeune Peveril son évasion à main armée, confirmée par des témoignages si dignes de foi. »

Ici, le juge enfonça ses pouces dans sa ceinture, attitude qui lui était habituelle en pareille occasion, et s’écria : « « À d’autres ! monsieur l’attorney, ne me dites pas que vous auriez pu prouver ceci ou cela, ou bien cela ou ceci ; prouvez ce que bon vous semblera, mais que ce soit par la bouche de vos témoins : la vie des hommes ne doit pas dépendre entièrement des coups de langue d’un jurisconsulte. — Et un détestable complot ne doit pas être étouffé, répliqua l’attorney, par l’incroyable précipitation que Votre Seigneurie met à cette affaire. Je ne puis appeler non plus M. Chiffinch, puisqu’il est absent par ordre spécial du roi, comme je viens d’en recevoir l’avis de la cour de White-Hall. — Produisez donc, monsieur le procureur, les papiers dont ce jeune homme est dit avoir été porteur. — Ils sont devant le conseil privé, milord. — Alors pourquoi donc en faire ici le fondement de l’accusation, si vous ne pouvez les produire ? C’est se moquer un peu de la cour. — Puisque Votre Seigneurie prend les choses sur ce pied, » dit le procureur en s’asseyant avec un air de dépit, « vous pouvez diriger l’affaire comme il vous plaira. — Si vous ne faites plus entendre de témoins, je vous prie de faire le résumé au jury. — Je ne m’en donnerai pas la peine, dit le conseiller de la couronne ; je vois clairement comment tout cela va tourner. — Veuillez y réfléchir ; considérez que votre accusation n’est qu’à demi prouvée contre les deux Peveril, et qu’elle ne l’est pas du tout contre le petit homme, si ce n’est que le docteur Oates lui a entendu dire qu’en un certain cas il deviendrait un géant : or c’est un miracle qui ne semble guère facile, même aux papistes. »