Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/50

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de votre candeur et de votre courtoisie, reprit Bridgenorth ; mais je m’aperçois que vous ne me comprenez pas parfaitement. En termes plus clairs, je parlerai donc de cette coutume de porter des toasts à la santé les uns des autres, coutume que nous considérons comme superflue et comme une provocation coupable à la débauche et à l’usage immodéré de boissons spiritueuses ; et nous pensons d’ailleurs que, si cette coutume tire son origine, comme quelques savants théologiens l’ont supposé, des libations que les aveugles païens faisaient en invoquant leurs idoles, on peut dire avec raison que c’est un reste de paganisme qui s’allie au culte du démon. »

Lady Peveril avait déjà songé à tous les sujets qui pourraient introduire la discorde parmi les convives qui allaient se réunir ; mais cette différence ridicule et fatale qui existait dans les mœurs des deux partis lui avait totalement échappé. Elle s’efforça, de tout son pouvoir, d’adoucir l’humeur opiniâtre du presbytérien, dont les sourcils étaient froncés comme ceux d’un homme dont l’opinion est inébranlablement fixée.

« J’avoue, mon bon voisin, lui dit-elle, que cette coutume assez frivole et assez insignifiante peut devenir préjudiciable si elle conduit à faire un usage immodéré des boissons spiritueuses, genre d’excès auquel d’ailleurs on peut fort bien se livrer sans que les toasts y soient pour quelque chose ; mais je crois que, lorsqu’elle n’amène pas de telles suites, c’est une chose sans aucune importance, c’est une manière unanime et agréable d’exprimer nos vœux pour nos amis, et notre amour respectueux pour notre souverain, sans toutefois prétendre contraindre ceux qui pensent différemment à soumettre leur opinion à la nôtre. Je ne vois pas en vérité comment je pourrais refuser à mes convives et à mes amis le privilège de porter la santé du roi ou celle de mon mari, selon l’usage de la vieille Angleterre. — Milady, reprit le major, si l’ancienneté d’un usage suffisait pour le consacrer, le papisme est sans contredit l’un de ceux qui remontent à l’époque la plus reculée de notre histoire. Heureusement pour nous, nous ne sommes plus plongés dans les ténèbres où vivaient nos pères ; par conséquent, nous devons agir conformément à la lumière qui est en nous, et non comme si nous errions encore dans l’obscurité. J’avais l’honneur d’être à la suite du lord-intendant Whitelocke, lorsqu’à la table du grand chambellan de la cour de Suède il refusa positivement de porter la santé de la reine Christine, au