Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/499

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et de courage. Ici encore, est la malheureuse famille de Derby. Pour l’amour du ciel, intervenez en faveur de ces victimes enveloppées dans les replis de cette hydre de conspiration qui veut les étouffer. Déjouez les trames infernales des ennemis acharnés à leur perte, et trompez l’espoir des harpies qui veulent se partager leurs biens. Depuis huit jours, cette malheureuse famille, le père et le fils, doivent être mis en jugement pour des crimes dont ils sont aussi innocents, j’ose le dire, qu’aucune des personnes qui sont en ce moment en présence de Votre Majesté. Au nom du ciel, sire, permettez-nous d’espérer que, si le peuple aveuglé les condamne, comme il en a condamné tant d’autres, vous vous interposerez entre les buveurs de sang et leur proie. »

Le roi parut extrêmement embarrassé ; et il l’était en effet. Buckingham et d’Ormond nourrissaient l’un contre l’autre une animosité constante et presque mortelle : le premier tenta d’opérer une diversion en faveur de Charles. « La royale bonté de Votre Majesté ne manquera jamais d’objets tant que le duc d’Ormond sera auprès d’elle ; il a la manche de son pourpoint coupée à l’ancienne mode, pour y pouvoir porter toujours une collection de cavaliers ruinés, qu’il exhibe à volonté, de ces personnages aux larges épaules, au nez camard, aux jambes de fuseau, à la tête chauve, qui figurent dans les histoires sans fin d’Edgehill et de Naseby. — Il est vrai que ma manche est coupée à l’ancienne mode, » répondit d’Ormond, en regardant le duc en face ; « mais je n’y attache ni spadassins ni coupe-jarrets, comme j’en vois attachés à des pourpoints à la nouvelle mode. — Milord, ceci est un peu trop rude en notre présence, dit le roi. — Mais si je prouve la vérité de ce que j’avance ? répondit d’Ormond. Milord de Buckingham, voulez-vous dire le nom de l’homme à qui vous avez parlé en sortant de la barque. — Je n’ai parlé à qui que ce soit, » dit le duc avec précipitation. « Je me trompe : je me rappelle que quelqu’un est venu me dire à l’oreille qu’une personne à qui j’ai affaire, et que je croyais partie, est encore à Londres. — Et n’est-ce pas là l’homme à qui vous avez parlé, » dit d’Ormond en montrant du doigt au milieu de la foule qui remplissait la cour, un homme au teint basané, enveloppé d’un long manteau, portant un chapeau à larges bords rabattus sur ses yeux, et à sa ceinture une épée espagnole ; en un mot, le colonel que Buckingham avait expédié à la recherche de Christian, pour empêcher ce dernier de revenir à Londres.