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qu’on doit le transférer à la Tour, tant pour ce motif qu’à cause de certaines lettres de la comtesse de Derby ; du moins le bruit en court. — Qu’il aille donc à la Tour, et qu’il en sorte comme il pourra. Quand vous apprendrez qu’on l’y tient, que le sot batailleur se rétablisse aussi vite que le chirurgien et lui pourront s’accorder à le vouloir. »

Le duc, après avoir ainsi parlé, fit deux ou trois tours dans l’appartement, et parut plongé dans de profondes réflexions. Le confident attendit patiemment le résultat de ses méditations, sachant bien que de tels accès, durant lesquels l’esprit de son maître se portait exclusivement sur un seul objet, n’étaient jamais d’assez longue durée pour mettre sa patience à une bien rude épreuve.

En effet, après un silence de sept ou huit minutes, le duc prenant sur sa toilette une large bourse de soie qui semblait remplie d’or : « Jerningham, dit-il, tu es un coquin fidèle, et il serait mal de ne pas te chérir. J’ai battu à la paume le roi qui m’en avait défié. L’honneur me suffit à moi ; mais ce sera toi, mon garçon, qui profiteras de mes gains. »

Jerningham empocha la bourse avec des remercîments convenables.

« Jerningham, continua le duc, je sais que vous me blâmez de changer si souvent mes projets ; et, sur mon âme, je vous ai entendu débiter de si belles choses à ce sujet, que j’ai fini par être de votre opinion : voilà deux ou trois heures que je m’en veux de n’avoir pas constamment un seul et unique objet en vue, comme je le ferai, sans doute, quand l’âge, » ajouta-t-il en se touchant le front, « aura trop rouillé cette girouette pour qu’elle puisse encore tourner à tous les vents. Mais à présent que je suis fort et actif, qu’elle tourne comme celle du grand mât qui apprend au pilote de quel côté il doit diriger sa course, et quand elle marque la mienne, songe que je dois suivre la fortune, et non la contrôler dans sa marche. — Je ne puis rien comprendre à tout cela, sinon que Votre Grâce a changé certaines mesures qu’elle avait arrêtées, et croit avoir eu raison de le faire. — Vous en jugerez vous-même : j’ai vu la duchesse de Portsmouth… Vous tressaillez d’étonnement. C’est la vérité, de par le ciel ! je l’ai vue, et d’ennemis implacables que nous étions, nous sommes devenus amis jurés. Le traité entre de si hautes et si grandes puissances contenait plusieurs articles importants ; en outre j’avais affaire à un véritable négociateur français : de sorte que vous conviendrez