Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/454

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apprécier convenablement votre position ! C’est la prière d’une personne qui vous accorderait, si vous le vouliez, toute son amitié. »

La Tour !… était un mot terrible, plus terrible que le nom d’une simple prison civile : car par combien de passages ce lugubre édifice ne conduisait-il pas à la mort ? Les exécutions sévères qu’il avait vues sous les règnes précédents n’étaient peut-être pas aussi nombreuses que les meurtres secrets qui avaient été consommés dans ses murailles. Cependant Peveril n’hésita pas un instant sur le parti qu’il avait à prendre. « Je partagerai le sort de mon père, dit-il ; je ne pensais qu’à lui en demandant à être amené ici ; je ne penserai à rien autre chose quand ils me conduiront vers ce lieu de détention plus horrible encore. C’est là qu’il est retenu ; c’est là aussi que son fils doit l’être. Et toi, Alice Bridgenorth, le jour où je renoncerai à toi, puissé-je passer pour un traître et un lâche ! Va donc, conseiller perfide, et partage le destin qui attend les séducteurs et ceux qui prêchent l’hérésie. »

Il ne put s’empêcher de prononcer à haute voix cette dernière phrase, en jetant le billet au feu avec une véhémence qui fit tressaillir le nain de surprise. « Que parlez-vous de brûler des hérétiques, jeune homme ? s’écria-t-il. Sur ma foi ! il faut que votre zèle soit plus ardent que le mien, si vous parlez ainsi lors même que les hérétiques forment la majorité. Je veux avoir six pieds de haut, sans compter la semelle de mes souliers, si les hérétiques ne l’emportaient pas au cas où nous voudrions lutter : gardez-vous donc de parler ainsi. — Il est trop tard pour prendre garde aux paroles quand elles sont prononcées, » dit le porte-clefs, qui, ouvrant la porte avec ses précautions ordinaires pour ne point faire de bruit, s’était glissé inaperçu dans la chambre. « Cependant M. Peveril s’est conduit en homme d’honneur, et je ne rapporte jamais ; bien entendu qu’il considérera les peines que je me suis données pour lui. »

Julien n’avait d’autre alternative que de profiter de l’avis du drôle, et de lui administrer pour le corrompre un cadeau, dont maître Clink fut si satisfait qu’il s’écria : « Le cœur me saigne d’être obligé de dire adieu à un jeune homme d’un si bon naturel, et j’aurais avec plaisir tourné pendant vingt ans la clef sur lui. Mais il faut parfois que les amis se quittent. — Je vais donc changer de prison ? — Eh ! mon Dieu, oui, monsieur : l’ordre du conseil est arrivé. — Pour que je sois transféré à la Tour ? —