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Peveril se leva donc, et se mit à tout ranger dans leur prison, pendant que sir Hudson, perché sur un tabouret, d’où il s’en fallait bien que ses jambes vinssent jusqu’à terre, s’amusait à pincer, avec une langueur élégante, les cordes d’une vieille guitare fendue, et à chanter des chansons espagnoles, mauresques et françaises, d’une voix épouvantablement fausse. Il ne manquait pas, à la fin de chaque morceau, d’expliquer à Julien ce qu’il venait de chanter, soit en improvisant une traduction, soit en racontant une anecdote historique ; il s’en trouva même une qui avait rapport à son histoire si fertile en événements, et dans laquelle le pauvre petit homme exposait comment il avait été pris par un corsaire de Salé, et conduit captif à Maroc.

Cette époque de sa vie était ordinairement pour Hudson l’ère des aventures étranges ; et, à l’en croire, il avait accompli des prodiges d’amour dans le sérail de l’empereur. Mais quoique peu de personnes fussent en position de lui donner un démenti formel sur des galanteries et des intrigues dont le théâtre était si éloigné, le bruit courait parmi les officiers de la garnison de Tanger, que le seul usage auquel les tyrans maures avaient cru pouvoir employer un esclave d’une force physique si chétive, était de l’obliger à rester au lit tout le jour pour y couver des œufs de dindon. La moindre allusion à ce bruit le jetait ordinairement dans une affreuse colère, et l’issue fatale de son duel avec le jeune Crofts, qui commença par une plaisanterie bouffonne et finit par du sang, faisait qu’on y regardait à deux fois avant de prendre ce brave petit héros pour sujet de raillerie.

Pendant que Peveril s’occupait à faire l’appartement, le nain restait fort tranquille, se délassant de la manière que nous avons dite ; mais lorsqu’il s’aperçut que Julien voulait aussi entreprendre la cuisine, sir Geoffrey Hudson sauta à bas du tabouret sur lequel il était assis en signor, au risque de briser sa guitare et de se casser le cou, en s’écriant qu’il aimerait mieux préparer lui-même chaque matin le déjeuner jusqu’au jour du jugement dernier, que de confier une tâche si importante à un artiste aussi inexpérimenté que son compagnon.

Le jeune homme céda volontiers cette partie de la besogne au petit chevalier bourru, et sourit seulement de sa colère lorsqu’il ajouta que, pour un mortel qui n’était que de moyenne taille, Julien était aussi borné qu’un géant. Le laissant donc préparer le repas comme il l’entendait, Peveril s’occupa à parcourir la