Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/424

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nonça d’un ton emphatique, mais à demi-voix, un mot unique et fort expressif : « Étrennez ! »

Julien Peveril répondit avec un calme affecté, car il avait ouï parler des coutumes usitées en pareils lieux, et il était résolu à s’y conformer, afin d’obtenir, s’il était possible, la faveur de voir son père, faveur qu’il pensait avec raison devoir lui être plus aisément accordée s’il satisfaisait l’avarice du geôlier. « Je suis prêt, dit-il, à me conformer aux usages du lieu où j’ai le malheur de me trouver. Vous n’avez qu’à dire ce qu’il vous faut, et je vous le donnerai à l’instant. »

À ces mots, il tira sa bourse, et en même temps s’estima heureux d’avoir gardé sur lui une somme assez considérable. Le capitaine en remarqua les dimensions et le volume avec un sourire involontaire, qui agita sa lèvre inférieure pendante comme une babine, et la moustache grasse et luisante qui couvrait celle d’en haut ; mais ce sourire fut réprimé par la fâcheuse pensée que certaines règles mettaient des bornes à sa rapacité, et l’empêchaient de fondre sur sa proie comme un milan, pour tout saisir d’un seul coup.

Cette désagréable réflexion attira à Peveril une réponse faite avec humeur : « Il y a différents taux ; les gens choisissent eux-mêmes suivant leur goût. Je ne demande que mon dû. Mais la civilité, murmura-t-il, doit se payer aussi. — Et je la paierai, si on peut l’obtenir en la payant, répliqua Peveril ; mais le prix, mon cher monsieur, le prix ? »

Il parlait avec un ton méprisant, qu’il cherchait d’autant moins à déguiser, qu’il voyait que, même dans cette prison, sa bourse lui donnait une influence indirecte, mais puissante sur le geôlier.

Le capitaine sembla éprouver le même sentiment ; car, tandis que Julien parlait, il ôtait presque involontairement une espèce de vieux bonnet fourré qui lui couvrait la tête ; mais les doigts se révoltant d’un acte de politesse si extraordinaire, se mirent à s’en dédommager en grattant sa nuque grisonnante, tandis qu’il murmura d’une voix semblable au grognement adouci qu’un dogue fait entendre lorsqu’il a cessé d’aboyer après un intrus qui paraît n’avoir pas peur de lui : « Il y a différents taux. Il y a la petite aise, au taux d’une couronne : c’est un peu sombre, et le grand égout passe par-dessous ; puis certaines personnes n’aiment pas la compagnie qu’on y rencontre, toute composée de filous et de voleurs. Ensuite nous avons le côté du maître : la dépense se