Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/422

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Sous de tels auspices, Peveril fut introduit dans l’intérieur de la geôle par cette sombre porte où tant de gens à leur entrée disent pour toujours adieu à l’honneur et à la vie. La voûte obscure et triste sous laquelle il se trouva bientôt ouvrait sur une vaste cour où une multitude de débiteurs passaient le temps à jouer à la balle, à la main-chaude, au saute-mouton et à d’autres jeux, amusements pour lesquels la rigueur de leurs créanciers leur donnait tout loisir, tandis qu’elle leur ôtait tout moyen de se livrer à d’honnêtes travaux qui auraient pu réparer leurs mauvaises affaires, et préserver leurs familles de la faim et de la misère.

Mais Julien n’allait pas grossir le nombre de ces gens qui devaient leur insouciance au désespoir. Il fut conduit, ou plutôt entraîné par ses conducteurs vers une porte basse et cintrée qui, soigneusement fermée par des verroux et des barres de fer, s’ouvrit pour sa réception à un seul battant, et fut refermée avec tout le soin possible dès qu’il fut entré. On le conduisit alors par deux ou trois corridors ténébreux qui, aux endroits de leur intersection, étaient défendus par plusieurs guichets solides, un en barres de fer, et les autres en bois de chêne, garnis de bandes de fer fixées avec de gros clous du même métal. On ne lui permit pas de s’arrêter avant qu’il fût arrivé dans une petite pièce ronde et voûtée, à laquelle aboutissaient plusieurs des corridors, et qui ressemblait, par rapport au labyrinthe dont il avait traversé une partie, au point central de la toile d’une araignée, où viennent toujours se réunir les principaux fils du tissu curieux de cet insecte.

La ressemblance ne se bornait point là ; car, dans ce petit appartement voûté, dont les murailles étaient tout à l’entour tapissées de mousquets, de pistolets, de coutelas et d’autres armes, aussi bien que d’un assortiment de menottes et de fers de toute espèce, le tout disposé avec un ordre admirable et prêt à servir, était assis un homme qu’on aurait pu comparer avec assez d’exactitude à une grosse araignée bouffie et replète, placée là pour saisir la proie qui pourrait tomber dans ses filets.

Ce fonctionnaire public avait été originairement un homme très-vigoureux, large et même de grande taille ; mais alors il était devenu tellement replet par excès de nourriture et peut-être aussi faute d’exercice, qu’il ne ressemblait pas plus à ce qu’il avait été jadis, qu’un bœuf engraissé pour la boucherie ne ressemble à un taureau sauvage. Aucune créature humaine n’est d’un aspect plus repoussant qu’un gros homme sur le visage duquel un ca-