Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/418

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la couleur orange foncée de son vêtement défensif, peu différente de celle des sangliers qu’on trouve dans les forêts du Hampshire.

À l’abri de tout danger dans cette enveloppe invulnérable, Sa Seigneurie ne ressentait aucune crainte, quoique non munie de ses armes offensives, telles que rapière, poignard et pistolets, lesquelles n’étaient pourtant placées qu’à peu de distance de son fauteuil. Mais il avait trouvé prudent de garder une arme de cette dernière espèce sur la table, à côté des énormes commentaires de Coke sur Lyttleton. C’était une sorte de fléau de poche, consistant en un morceau de frêne très-dur, long d’environ dix-huit pouces, auquel était attaché un gourdin brandillant de lignum vitæ, presque deux fois aussi long que le manche, mais ajusté de manière à pouvoir se replier facilement. Cet instrument, qui portait à cette époque le singulier nom de fléau protestant, pouvait se cacher sous un habit, jusqu’à ce que les circonstances demandassent qu’il parût en public. Une précaution contre la surprise, meilleure que toutes ces armes offensives et défensives, était une forte balustrade de fer qui, traversant la salle en face du bureau et ne s’ouvrant que par une porte grillée, ordinairement fermée, séparait entièrement l’accusé du juge.

Maulstatute, le magistrat que nous avons décrit, préféra entendre les dépositions des témoins avant de permettre à Peveril de présenter sa défense. Le détail de la querelle fut brièvement exposé par ceux qui en avaient été spectateurs, et parut produire une grande impression sur l’esprit de l’officier public. Il secoua d’un air important son casque de soie, quand il eut appris que, après quelques mots échangés par les combattants, mais que les témoins disaient n’avoir bien entendus, le jeune homme arrêté avait porté le premier coup, et avait tiré sa rapière avant que son adversaire, qu’il avait blessé, eût dégainé la sienne. Il branla encore plus gravement la tête, quand il connut le résultat du duel ; et il s’agita plus solennellement que jamais, lorsqu’un des témoins déclara que, autant qu’il pouvait en juger, le jeune homme, victime de la dispute, appartenait à la maison de Sa Grâce le duc de Buckingham.

« Un digne pair ! » dit le magistrat armé, « un vrai protestant, et un ami de son pays. Miséricorde divine ! à quel excès d’audace ce siècle est-il parvenu ? Nous voyons bien, et nous le verrions encore, fussions-nous aussi aveugle qu’une taupe, de quel carquois cette flèche a été lancée. »