Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/388

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content d’échapper ainsi, quoique par un mensonge, au fâcheux bavardage d’un imbécile, qui paraissait disposé à lui adresser plus de questions qu’il n’eût eu de réponses prudentes à faire.

« Étranger… cela signifie stranger, murmura son guide : encore d’autres chiens de Français qui viennent pour lécher le bon beurre d’Angleterre sur notre pain, ou peut-être des Italiens promenant leurs marionnettes. Il y aurait de quoi pousser un honnête homme à se faire puritain, si les puritains n’avaient pas une inimitié mortelle pour la gamme. Mais si je suis obligé de jouer pour la faire danser chez la duchesse. Dieu me damne si je ne lui fais pas manquer la mesure, quand ce ne serait que pour lui apprendre à venir en Angleterre et à ne pas savoir parler anglais. »

Ayant pris à part cette résolution tout anglaise, le musicien s’avança rapidement vers une grande maison située au bout de Saint-James-Street, et entra dans la cour par une grille donnant sur le parc, que dominait cette habitation,

Peveril, se trouvant en face d’un beau portique sous lequel s’ouvrait une grande porte à deux battants, allait monter les degrés qui conduisaient à l’entrée principale, lorsque son guide le saisit par le bras, en s’écriant : « Halte-là ! monsieur. Peste ! vous ne perdrez rien faute de courage, je vois ; mais vous devrez prendre la porte dérobée, malgré votre beau pourpoint. Ce n’est pas ici : frappez et l’on vous ouvrira ; mais plutôt peut-être : frappez, et l’on vous frappera. »

Se laissant guider par Empson, Julien se détourna de la porte principale, et s’achemina vers une autre plus modeste qui se trouvait dans un angle de la cour. À un léger coup frappé par le joueur de flûte, elle leur fut ouverte par un laquais qui les conduisit, à travers une suite de passages pavés en pierre, jusqu’à un joli salon d’été, dans lequel une dame, ou quelque chose qui y ressemblait, mise avec une élégance exagérée, s’égayait avec une comédie en finissant son chocolat. Il serait difficile d’en donner une juste idée, si ce n’est en disant que ses ridicules absorbaient ses bonnes qualités. Elle eût été jolie sans son rouge et ses minauderies ; elle eût semblé polie sans ses airs de protection et de condescendance ; elle eût eu la voix agréable si elle eût parlé d’un ton naturel, de beaux yeux si elle n’eût pas travaillé de toutes ses forces à leur donner de l’expression, et un pied charmant si elle n’eût pas mis tant d’affectation à le montrer. Quoiqu’elle fût à peine âgée de trente ans, sa taille avait l’embonpoint qui lui eût