Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/387

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il reprit bientôt assez d’assurance pour expliquer qu’il n’avait aucun droit à tirer profit de la danse de cette jeune personne, et que le roi s’était trompé sur son compte.

« Et qui es-tu donc, mon ami ! dit Charles ; mais surtout, quelle est cette nymphe qui danse à ravir, et que tu accompagnes comme un faune attaché à ses pas ! — La jeune personne est au service de la comtesse douairière de Derby, n’en déplaise à Votre Majesté, » dit Peveril, d’un ton de voix très-bas ; « et je suis…

« Assez, assez, dit le roi ; c’est là une danse sur un autre air et peu appropriée à un lieu si public. Écoute, mon ami, toi et la jeune fille, suivez Empson où il vous conduira. Empson, emmène-les. Viens, que je te parle à l’oreille. — Que Votre Majesté me permette, reprit Julien, de lui assurer que mon dessein n’était point de venir l’importuner. — La peste soit de celui qui n’entend pas à demi-mot ! » dit le roi, l’interrompant au milieu de ses excuses. « Sache donc, l’ami, qu’il y a des moments où la politesse est la plus grande impertinence du monde. Suis Empson, et amuse-toi une demi-heure avec ton petit lutin, jusqu’à ce que je t’envoie chercher. »

Charles prononça ces paroles en jetant autour de lui des regards inquiets, et d’un ton qui témoignait la crainte d’être entendu. Julien ne put que s’incliner en signe d’obéissance, et suivit Empson, qui était celui qui jouait du flageolet avec tant de talent.

Lorsqu’ils furent loin de la vue du roi et de sa société, le musicien voulut entrer en conversation avec ceux qu’il conduisait, et adressa d’abord à Fenella un compliment assez grossier : « Par la messe ! dit-il, vous dansez joliment ! Je n’ai jamais vu une gaillarde monter sur les planches avec une jambe plus dégourdie. Je jouerais avec plaisir pour vous jusqu’à ce que mon gosier fût aussi desséché que mon flageolet. Allons, soyez un peu plus sociable ; le vieux Rowley ne quittera pas le parc avant neuf heures ; je vous mènerai à Spring-Garden, je vous paierai des gâteaux et une bouteille de vin du Rhin à chacun, et nous serons camarades. Que diable ! pas de réponse ? Qu’est-ce que cela veut dire, ami ? Est-ce que cette jolie fille que vous avez là est sourde ou muette, ou l’un et l’autre à la fois ? J’en rirais de bon cœur : elle suit pourtant si bien la mesure du flageolet ! »

Pour se débarrasser des propos de cet individu, Peveril lui répondit en français qu’il était étranger et ne parlait pas anglais,