Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/336

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ments criminels qu’on nomme mascarades, où le sage, lorsqu’il paraît, doit jouer le rôle de fou. — Je désirerais seulement, dit Julien, mettre votre sagesse en garde contre un homme qui pourrait également se déguiser devant vous. — C’est prendre plus de soin qu’il n’est nécessaire, jeune homme, » répondit Bridgenorth d’un ton plus bref qu’il ne l’avait encore fait jusque-là. « Si vous voulez suivre mes avis, vous vous occuperez de vos propres affaires, qui, croyez-moi, méritent toute votre attention, et vous laisserez aux autres le soin des leurs. »

Ce langage était trop clair pour n’être pas compris, et Julien fut contraint de quitter le major et Moultrassie-House sans autre explication. On peut croire aisément qu’il se retourna plus d’une fois pour regarder derrière lui, et qu’il chercha à deviner parmi les lumières qui brillaient aux fenêtres celle qui partait de l’appartement d’Alice. La route ayant pris une autre direction, il tomba dans une profonde rêverie, dont il fut enfin tiré par la voix de Lance, qui lui demanda où il avait l’intention de passer le reste de la nuit. Il n’était guère préparé à répondre à cette question ; mais l’honnête serviteur la résolut sur-le-champ en lui proposant de venir occuper un lit de surplus qu’il avait dans sa maisonnette. Julien accepta. Le reste des habitants était couché lorsqu’ils arrivèrent ; mais dame Ellesmère, instruite par un message des intentions hospitalières de son neveu, avait disposé les choses le plus promptement et le mieux qu’elle avait pu, pour recevoir le fils de ses anciens maîtres. Peveril se retira dans la chambre qui lui avait été destinée, et, en dépit de tous ses sujets d’inquiétude, il dormit paisiblement jusqu’au lendemain.

Il fut réveillé par Lance-Outram qui, levé depuis long-temps, s’occupait avec activité de son service. Le garde forestier lui apprit que le major Bridgenorth avait renvoyé son cheval, ses armes et une petite valise par un domestique, chargé en même temps d’une lettre qui contenait le congé formel de mistress Deborah, et lui défendait positivement de reparaître à Moultrassie-House. L’officier de la chambre des communes était parti de grand matin du château de Martindale avec bonne escorte, emmenant prisonnier dans sa voiture sir Geoffrey Peveril, et lady Peveril qui avait obtenu la permission d’accompagner son mari. Il ajouta que Winthe-fight, le procureur de Chesterfield, avait pris possession du château au nom du major Bridgenorth, créancier, pour une somme considérable, du malheureux chevalier.