Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/321

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vous vois assise là, avec une coiffe blanche, que vous changerez pour une noire avant peu. — Lance-Outram, s’écria la vieille femme, si tu es un homme, sors à l’instant, et cours t’informer de ce qui se passe au château. — Oui, répondit Outram, je ne suis resté ici que trop long-temps. » Et saisissant son arc et quelques flèches, il s’élança hors de la chaumière. — En voici bien d’une autre, dit mistress Deborah ; voyez un peu si ma nouvelle n’a pas fait fuir d’épouvante Lance-Outram, lui que rien ne pouvait effrayer, à ce qu’on disait. Mais ne vous alarmez pas tant, dame Ellesmère : si le château et les terres passent entre les mains du major Bridgenorth, ce qui est assez probable, car j’ai entendu dire qu’il lui est dû une somme considérable sur ce domaine, je vous promets ma recommandation auprès de lui. Je vous assure que ce n’est pas un méchant homme, quoiqu’il pousse un peu loin la manie de prêcher, de prier et de trouver à redire aux vêtements que l’on porte : ce qui, je dois l’avouer, ne convient guère à un gentilhomme, car certainement une femme doit savoir ce qui lui sied. Quant à vous, dame Ellesmère, qui portez à votre ceinture un livre de prières à côté de votre trousseau de clefs et qui n’avez jamais changé votre coiffe blanche, je puis vous assurer qu’il ne vous refusera pas le peu dont vous avez besoin et que vous n’êtes plus en état de gagner. — Sors d’ici, effrontée, » s’écria dame Ellesmère, dont tous les membres tremblaient de crainte et de colère ; « tais-toi à l’instant, ou je trouverai des gens qui te caresseront la peau avec les fouets de nos chiens. N’as-tu pas mangé le pain de notre noble maître ? N’est-ce pas assez d’avoir trahi sa confiance, et d’avoir abandonné son service ? Faut-il encore que tu viennes ici, comme un oiseau de mauvais augure, nous prédire sa ruine, et en triompher ?

— Oh ! non, dame Ellesmère, » dit Deborah, à qui la colère de la vieille femme imposait, « ce n’est pas moi qui dis tout cela, c’est le warrant de ces gens du parlement. — Je croyais que nous étions débarrassés de tous ces warrants depuis le bienheureux 29 de mai, reprit la vieille femme de charge ; mais je te le dis, la belle, j’ai vu de semblables warrants enfoncés à la pointe de l’épée dans la gorge de ceux qui en étaient chargés ; et c’est ce qui pourra bien arriver aujourd’hui, s’il reste au château un seul homme digne de ce nom. »

Comme elle parlait, Lance-Outram entra. « Hélas, » dit-il d’un air consterné, « je crains que ce qu’elle a dit ne soit que trop