Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/320

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Après toutes les questions indispensables et toutes les réponses convenables sur l’état du voisinage et sur les connaissances qui y résidaient encore, la conversation, qui commençait à languir, prit tout-à-coup un nouvel intérêt, grâce à Deborah, qui avertit ses amis de ce qu’ils allaient bientôt apprendre de fâcheux sur les événements du château ; elle leur dit que le major Bridgenorth, son maître actuel, avait été sommé par certain grand personnage arrivé de Londres de lui prêter main-forte pour arrêter sir Geoffroy, son ancien maître ; et que tous les domestiques de monsieur Bridgenorth, ainsi que plusieurs autres personnes qu’elle nomma toutes du même parti, avaient formé une troupe nombreuse pour surprendre le chevalier dans sa demeure. « On ne pouvait craindre, ajoutait-elle, que sir Geoffroy, maintenant vieux et goutteux, fit une défense aussi ferme qu’il l’aurait faite autrefois ; mais, comme il était connu pour être courageux et intrépide, il n’était pas probable qu’il se rendît sans tirer l’épée ; et s’il venait à tomber sous les coups de ceux qui n’avaient jamais cherché à le ménager, et à la merci desquels il se trouvait maintenant, elle, dame Deborah, ne regardait lady Peveril ni plus ni moins que comme une femme morte. Il en résulterait sans doute un deuil général dans ce pays, où ils avaient une parenté si nombreuse ; et la soie, par cette raison, allait vraisemblablement renchérir de manière à remplir la bourse de maître Lutestring, le marchand mercier de Chesterfield. Quant à elle, que lui importait comment les choses tourneraient ? Mais si monsieur Julien devenait le maître du château, elle était dans le cas de dire mieux que personne qui pourrait fort bien devenir la maîtresse de Martindale.

La nouvelle que Bridgenorth était parti à la tête d’une troupe de gens pour attaquer sir Geoffroy Peveril dans son propre château parut si étrange aux anciens serviteurs de la famille, qu’ils furent incapables de faire aucune attention au reste du discours que miss Deborah débitait avec tant de volubilité ; et lorsqu’enfin elle s’arrêta pour respirer, tout ce que la pauvre dame Ellesmère put répliquer, fut ce peu de mots : « Quoi ! Bridgenorth braver Peveril du Pic ! Cette femme est-elle folle ? — Allons, allons, dit Deborah, ne me donnez pas le nom de femme plus que je ne vous le donne ; je n’ai pas occupé le haut bout de la table de mon maître pendant tant d’années, et je n’ai pas reçu le litre de mistress, pour que vous me traitiez ainsi de femme. Quant aux nouvelles que je vous apporte, elles sont aussi vraies qu’il est sûr que je