Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/304

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s’efforça de parler avec tout le calme possible. « Monsieur Bridgenorth, dit-il, je ne conteste ni votre autorité, ni le mandat de monsieur… — Vraiment ? interrompit Topham ; oh ! oh ! jeune homme, je pensais bien que nous vous ramènerions à la raison. — Ainsi donc, si vous le jugez à propos, monsieur Topham, voici ce que nous ferons, dit le major. Vous partirez pour Londres dès le point du jour, emmenant avec vous sir Geoffrey et lady Peveril : et, pour qu’ils puissent voyager d’une manière conforme à leur rang, vous les ferez escorter dans leur propre voiture. — Je voyagerai moi-même avec eux, dit Topham, car les routes du Derbyshire sont trop rudes et trop difficiles pour qu’on les parcoure à cheval, et j’ai les yeux fatigués de la vue de ces montagnes arides. Dans la voiture, du moins, je dormirai aussi bien que si j’étais à la chambre des communes, ou aussi profondément que maître Bodderbrains quand il est sur ses jambes. — Vous ferez fort bien de prendre vos aises, maître Topham, répondit Bridgenorth. Quant à ce jeune homme, je m’en charge, je l’emmènerai avec moi. — Je ne sais trop si cela est faisable, digne monsieur Bridgenorth, car il se trouve dans un des cas prévus par le warrant de la chambre. — Remarquez, reprit Bridgenorth, qu’il n’est arrêté que pour une attaque faite en faveur d’un prisonnier : je vous conseille donc de ne point vous charger de lui, à moins que vous n’ayez une escorte plus nombreuse. Sir Geoffrey est vieux et cassé, mais ce garçon est dans la fleur de la jeunesse, et il aura pour lui tous les jeunes cavaliers débauchés du voisinage. Il vous serait difficile de traverser le comté sans avoir à vous défendre contre quelque tentative d’enlèvement. »

Topham fixa sur Julien le regard que l’araignée fixe probablement sur la guêpe tombée dans sa toile, lorsqu’il lui tarde de s’en emparer, et qu’elle n’ose pourtant l’attaquer.

« J’ignore, dit Julien, si, en cherchant à nous séparer, vous avez de bonnes ou de mauvaises intentions, monsieur Bridgenorth. Quant à moi, tout ce que je désire, c’est de partager le sort de mes parents : je vous donne donc ma parole d’honneur de ne faire aucune tentative pour vous échapper, si vous me promettez de ne pas me séparer d’eux. — Ne parlez pas ainsi, Julien, dit sa mère ; restez avec M. Bridgenorth. Mon cœur me dit qu’il ne nous veut pas autant de mal que la dureté de sa conduite pourrait vous le faire croire. — Et moi, dit sir Geoffrey, ce que je sais bien, c’est que, depuis les portes du château de mon père jusqu’à