Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/303

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semblable à celle de sir Edmondsbury Godfrey. Oh ! tu es la véritable semence du vieux dragon rouge ; car lui aussi aurait résisté au mandat de la chambre des communes si nous ne l’avions pris au dépourvu. Maître Bridgenorth, vous êtes un magistrat judicieux et un digne serviteur de l’État : je voudrais que nous eussions partout d’aussi bons magistrats protestants. Eh bien ! emmènerai-je ce jeune drôle avec ses parents, qu’en pensez-vous ? ou le garderez-vous pour l’interroger de nouveau ? — Monsieur Bridgenorth, » dit lady Peveril en dépit des efforts de son mari pour l’interrompre, « au nom du ciel ! si vous avez jamais su ce que c’était que d’aimer un seul de tous les enfants que vous avez perdus, si vous aimez la fille unique qui vous reste, ne poursuivez pas de votre vengeance mon pauvre fils. Je puis vous pardonner et oublier tous les maux que vous nous avez faits, même les malheurs encore plus grands dont vous nous menacez ; mais, je vous en supplie, n’usez pas de la dernière rigueur envers celui qui ne vous a jamais offensé. Croyez que, si vous fermez l’oreille aux cris d’une mère au désespoir, celui dont l’oreille est toujours ouverte aux plaintes des malheureux entendra ma demande et votre réponse. »

L’expression énergique et douloureuse avec laquelle lady Peveril prononça ces paroles sembla pénétrer le cœur de tous ceux qui étaient présents, bien que la plupart d’entre eux ne fussent que trop habitués à de semblables scènes. Chacun gardait le silence, lorsque lady Peveril, levant sur Bridgenorth ses yeux baignés de larmes, lui adressa un regard qui, par son éloquente anxiété, révélait une femme dont la vie ou la mort dépend de la réponse qu’elle va recevoir. L’inflexibilité de Bridgenorth lui-même parut en être ébranlée, et ce fut d’une voix tremblante qu’il lui répondit : « Plût à Dieu, madame, que j’eusse entre les mains les moyens de soulager votre détresse actuelle autrement qu’en vous recommandant de mettre votre confiance dans la Providence, et de vous efforcer de ne pas murmurer de l’épreuve cruelle qu’elle vous envoie ! Quant à moi, je ne suis qu’une verge de châtiment entre les mains du fort, une verge qui ne frappe pas d’elle-même, mais qui obéit à l’impulsion donnée par le bras tout-puissant qui commande. — De même que moi et ma verge nous sommes mis en mouvement par les communes d’Angleterre, » dit maître Topham, qui parut content de la comparaison.

Julien crut devoir dire alors quelque chose en sa faveur, et il