Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/299

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jambes, seul moyen de défense qui fût en son pouvoir. Le troisième, qui vit Julien, jeune, actif, animé de la colère d’un fils qui combat pour son père, forcer les deux gardes à lâcher pied, le saisit au collet, et chercha à s’emparer de son épée. Julien, abandonnant cette arme, prit un de ses pistolets, et fit feu sur l’homme qui l’attaquait ainsi. Celui-ci n’en fut point renversé ; mais, chancelant comme un homme étourdi, il tomba sur une chaise, et découvrit aux regards effrayés de Peveril les traits du major Bridgenorth, noircis par l’explosion de la poudre, qui avait brûlé une partie de ses cheveux gris. Un cri de surprise échappa à Julien, et, dans le trouble et l’horreur de son émotion, il fut aisé à ceux qu’il avait d’abord attaqués de l’arrêter et de le désarmer.

« Ne vous effrayez pas, Julien, dit sir Geoffrey ; ne prenez pas garde à cela, mon brave fils ; ce coup de pistolet fait la balance de nos comptes. Mais que le diable soit de lui, je crois qu’il vit encore ! Votre pistolet était-il chargé de son ? ou bien le malin esprit l’a-t-il mis à l’abri du plomb ? »

L’étonnement de sir Geoffrey n’était pas sans motif, car, tandis qu’il parlait, le major Bridgenorth, revenant à lui, se releva, puis, essuyant avec son mouchoir les marques que l’explosion avait laissées sur son visage, il s’approcha de Julien, et lui dit avec le sang-froid inaltérable qui le caractérisait : « Jeune homme, vous devez rendre grâces à Dieu, qui vous a épargné aujourd’hui le remords d’un grand crime. — Rends grâce au diable, fripon à grandes oreilles ! reprit sir Geoffrey ; car il n’y a que le père de tous les fanatiques, le diable lui-même, qui ait pu empêcher ta cervelle d’être brûlée comme si elle eût été dans la poêle à frire de Lucifer. — Sir Geoffrey, répondit le major Bridgenorth, je vous ai déjà dit que je ne voulais pas raisonner avec vous, et je ne vous dois compte d’aucune de mes actions. — Monsieur Bridgenorth, » dit lady Peveril, faisant un effort pour parler, et pour parler avec calme, « quelle que soit la vengeance que votre conscience et votre caractère de chrétien vous permettent d’exercer contre mon mari, moi qui ai droit à quelque compassion de votre part, puisque j’en ai eu pour vous lorsque la main du ciel s’est appesantie sur votre tête, je vous supplie de ne pas envelopper mon fils dans notre ruine. Que la perte du père et de la mère, ainsi que celle de notre antique maison, satisfasse le ressentiment des torts que mon mari a pu avoir à votre égard. — Silence, femme, dit le chevalier ; vous parlez comme une folle, et vous vous mêlez de ce qui ne