Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/296

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« je vous connais pour un vaurien, pour un ingrat auquel je donnerai la bastonnade dès que j’en trouverai l’occasion. »

Matthieu ne répondit rien à cette menace, et Peveril l’entendit s’éloigner après quelques chuchotements avec la veuve.

Contrarié de ce délai et plus inquiet que jamais d’après tous ces propos de mauvais augure, Peveril mit tout en usage pour faire avancer son cheval qui refusa d’une manière positive d’aller plus loin. Il fut donc obligé de redescendre, et il allait poursuivre son voyage à pied, malgré l’inconvénient des hautes bottes qu’il portait selon l’usage du temps, lorsqu’il entendit une voix douce l’appeler d’une fenêtre.

Le conseiller de la veuve ne fut pas plus tôt parti que son bon cœur, le respect dont elle avait l’habitude envers la maison Peveril, et peut-être aussi quelque crainte pour les os de Matthieu, la déterminèrent à ouvrir une croisée et à appeler Julien à demi-voix.

« St ! st ! monsieur Julien, êtes-vous parti ? demanda-t-elle. — Pas encore, dame Raine, quoique je ne sois pas le bienvenu ici, à ce qu’il paraît. — Mon bon jeune maître, reprit l’hôtesse, c’est que, voyez-vous, les hommes ont des idées si différentes les uns des autres ! Si mon pauvre vieux Roger était là, il trouverait que le coin du feu est encore trop froid pour vous, et voici maintenant Matthieu Chamberlain qui trouve que la cour est assez chaude. — Ne parlons point de cela, dame Raine, mais dites-moi seulement ce qui est arrivé au château de Martindale : le fanal est éteint. — Est-il bien vrai ? oh ! cela n’est malheureusement que trop probable ! Ainsi donc le bon sir Geoffrey serait allé au ciel rejoindre mon vieux Roger ! — Grand Dieu, s’écria Julien, depuis quand mon père est-il tombé malade ? — Il ne l’a jamais été que je sache, répondit la dame Raine : mais, il y a trois heures, il y a trois heures environ, il est arrivé au château des gens avec des jaquettes de buffle et des bandoulières, et un membre du parlement, comme au temps de Cromwell. Mon vieux Roger leur aurait certainement fermé la porte de l’auberge ; mais Matthieu a prétendu que ce serait agir contre la loi, de sorte qu’ils sont venus s’y rafraîchir, hommes et chevaux, et ils ont envoyé chercher M. Bridgenorth, qui est à Moultrassie-House ; puis ils se sont rendus au château, où il est probable qu’il y aura eu une querelle, car le vieux chevalier n’est pas homme à se laisser prendre à l’improviste, comme disait mon vieux Roger. Mais les officiers