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dait principalement à Londres, ne visitant Moultrassie-House que de temps à autre, et seulement pour voir sa femme et sa famille.

Pendant ces visites, il apprit avec un plaisir réel que, dans toutes les occasions, lady Peveril avait montré beaucoup d’égards et de bienveillance pour mistress Bridgenorth, et qu’elle lui avait même donné asile, ainsi qu’à toute sa famille, dans son château de Martindale, lorsque Moultrassie-House avait été menacé de pillage par un corps de la cavalerie indisciplinée du prince Rupert. Cette liaison avait pris naissance et s’était consolidée dans les fréquentes promenades que le voisinage de leurs domaines leur permettait de faire ensemble, et mistress Bridgenorth se trouvait très-honorée d’être admise ainsi dans la société d’une dame aussi distinguée. Le major Bridgenorth entendit parler de cette intimité avec beaucoup de plaisir, et il se promit d’en être reconnaissant autant qu’il le pourrait sans se nuire, en usant de toute son influence en faveur de sir Peveril. Ce fut donc principalement grâce à la médiation du major que sir Geoffroy dut la conservation de sa vie après la bataille de Worcester. Il obtint même pour lui la permission de rentrer dans une partie de ses biens confisqués, à des conditions beaucoup plus douces que celles qui avaient été accordées à bien des royalistes moins exaltés que lui. Et enfin, lorsque, pour payer la somme exigée au sujet de la levée du séquestre, le chevalier se vit forcé de vendre une partie considérable de son patrimoine, le major Bridgenorth en devint l’acquéreur à un prix beaucoup plus élevé que celui qu’aucun cavalier n’avait obtenu en pareilles circonstances des membres du comité des séquestres. Il est vrai que le prudent major ne perdit nullement de vue ses intérêts dans cette affaire ; car, après tout, ce prix fut encore très-modéré, et les biens qu’il acquit étant adjacents à Moultrassie-House, triplèrent tout-à-coup la valeur de ce domaine.

Mais il est certain que le malheureux Peveril eût été forcé d’accepter des conditions bien plus dures si le major, membre du comité des séquestres, eût voulu profiter de tous les avantages que lui offrait sa position : Bridgenorth se conduisit donc avec honneur, et mérita quelque estime, en sacrifiant en cette occasion l’intérêt à la générosité.

Sir Geoffroy Peveril partageait cette opinion, et d’autant plus volontiers que le major Bridgenorth paraissait user avec modestie de son élévation et de sa nouvelle situation, et qu’il semblait disposé, au milieu même de ses succès, à montrer au chevalier la