Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/287

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ministres dans une chaire ! c’est comme trois soleils dans un hémisphère. Faut-il s’étonner qu’on ait été effrayé d’un tel prodige ?

— Quoi donc, Will, reprit Son compagnon, êtes-vous du nombre de ceux qui croient que le bon chevalier s’est tué lui-même pour accréditer l’histoire du complot ? — Non, sur ma foi ! répondit l’autre, mais quelque protestant peut fort bien avoir fait le coup pour lui, afin de donner à l’affaire une couleur plus vraisemblable. J’en appelle à notre silencieux ami : cette solution n’est-elle pas la plus vraisemblable ? — Je vous prie de m’excuser, messieurs, dit Julien, je viens de débarquer en Angleterre, et j’ignore entièrement les circonstances particulières qui ont jeté le pays dans cet état de fermentation. Ce serait une présomption impardonnable à moi d’oser me prononcer entre deux personnes qui discutent ce sujet d’une manière si habile. D’ailleurs, pour être sincère, je vous avouerai que je suis fatigué ; votre vin a plus de puissance que je ne m’y attendais, ou bien j’ai peut-être bu plus que je n’en avais l’intention. — Si une heure de sommeil peut vous rafraîchir, dit Ganlesse, ne faites avec nous aucune cérémonie. Voici votre lit, ou du moins ce que nous pouvons vous offrir comme tel ; c’est un vieux sopha à la mode hollandaise. Demain de bonne heure nous serons prêts à partir. — Et pour cela, dit Smith, je propose de rester toute la nuit. Il n’y a rien que je déteste plus qu’un lit dur. Débouchons donc une autre bouteille, et cherchons quelque couplet satirique pour nous aider à la vider.


Ah ! que le diable emporte et complots et papistes
Et Titus Oatès, qui nous a rendus tristes !


— Mais notre hôte puritain ? dit Ganlesse. — Je l’ai dans ma poche, brave homme : ses yeux, ses oreilles, son nez et sa langue, tout est en ma possession. — Dans ce cas, lorsque vous lui rendrez ses yeux et son nez, je vous prie de garder ses oreilles et sa langue, reprit Ganlesse. La vue et l’odorat sont bien assez pour un tel maraud : quant à l’ouïe et la parole, ce sont deux facultés auxquelles il ne doit avoir aucune prétention. — J’avoue que ce serait bien fait, répondit Smith ; mais ce serait dérober une proie à la potence, et je suis un bon garçon qui veux laisser au diable ce qui lui est dû. »


Joie et plaisir au grand César,
Longue vie, amour et bombance ;
Que le roi vive à jamais ! car
Nous respecterons sa puissance.