Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/286

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fonçant par une trappe, remonta bientôt chargée d’olives, de tranches de langue de bœuf, de caviar et d’autres choses propres à exciter la soif, et à faire vider les bouteilles. — Vraiment, Will, dit Ganlesse, tu es meilleur mécanicien que je ne l’imaginais : c’est une chose merveilleuse que le peu de temps qu’il t’a fallu pour transporter tes invitations dans le Derbyshire. — Une corde et des poulies ne sont pas difficiles à trouver, et avec une scie et un rabot je puis organiser cette mécanique dans l’espace d’une demi-journée. J’aime ce genre de service prompt et secret. Tu sais que ce fut là le fondement de ma fortune. — Ce peut en être la ruine aussi, Will, répondit son ami. — C’est vrai, Dick ; mais dum vivimus, vivamus[1], telle est ma devise ; c’est pourquoi je bois à la santé de la dame que vous savez. — Soit ! » répondit l’autre, et le flacon passa de main en main.

Julien ne jugea pas à propos de refroidir la gaieté du festin en se piquant de sobriété ; car il espérait que, dans la chaleur de la conversation, il parviendrait à deviner quelque chose du caractère et des vues de ces étranges compagnons. Mais ce fut vainement qu’il écouta. Leur entretien vif et animé avait souvent rapport à la littérature du temps, que le plus âgé paraissait connaître parfaitement. Ils parlaient ainsi très librement de la cour, et surtout de cette classe nombreuse de gens qui passaient alors pour hommes d’esprit et de plaisir, et dont il était assez naturel de supposer qu’eux-mêmes faisaient partie.

Enfin le sujet général de toutes les conversations, le complot des papistes, fut mis sur le tapis. Ganlesse et Smith paraissaient avoir à cet égard les opinions les plus opposées. Si le premier ne croyait pas à toutes les révélations de Titus Oatès, il prétendait du moins qu’elles étaient confirmées en grande partie par le meurtre de sir Edmonsbury Godfrey et par les lettres de Coleman au confesseur du roi de France.

Avec beaucoup plus de bruit et des arguments bien moins puissants, Will Smith n’hésitait pas à nier entièrement l’existence du complot, qu’il tournait en ridicule ; et il déclara que c’était une des terreurs les plus absurdes qui se fussent jamais emparées des esprits. « Je n’oublierai jamais, dit-il, les funérailles originales de sir Godfrey. Deux vigoureux ministres, armés de l’épée et du pistolet, montèrent en chaire pour préserver le troisième qui prêchait d’être assassiné à la face de la congrégation. Trois

  1. Sachons profiter de la vie. a. m.