Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/284

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quis. « Mais mon ami Smith, dit-il, où sont vos vins choisis ? En apportant dans le Derbyshire tout cet attirail d’argenterie, j’espère que vous ne nous avez pas laissés à la merci de l’ale du pays, qui est aussi épaisse et aussi trouble que la tête des vieux cavaliers qui la boivent. — Ne savais-je pas que je vous rencontrerais ici ? Dick Ganlesse, répondit l’hôte ; pouvez-vous me soupçonner d’un pareil oubli ? Il est vrai qu’il faut que vous vous contentiez de bordeaux et de Champagne, car mon bourgogne ne peut supporter le voyage, mais si vous avez un caprice pour le sherry[1] ou pour le vin de Cahors, j’ai dans l’idée que Chaubert et Tom Beacon en ont apporté quelques bouteilles pour leur consommation. — Mais peut-être ces messieurs ne se soucieront-ils pas de nous en faire part ? dit Ganlesse. — Fi donc ! dit Smith, ils ne le peuvent selon les règles de la civilité. Ce sont, en vérité, les meilleurs garçons du monde quand ils sont traités convenablement : ainsi donc si vous préférez… — Nullement, dit Ganlesse ; un verre de Champagne me suffira faute de mieux.


« Le bouchon partira sous mon doigt qui le presse. »


dit Smith ; et, dégagé du fil de fer qui l’entourait, le bouchon alla frapper le plafond de la bicoque. Chacun but un grand verre de ce breuvage pétillant, et Peveril eut assez de jugement et d’expérience pour le déclarer exquis. — Touchez là, jeune homme, » dit Smith en lui tendant la main, « voilà le premier mot de bon sens que vous ayez dit ce soir. — La sagesse, monsieur, répliqua Peveril, est comme la meilleure marchandise du colporteur ; il ne la montre jamais qu’aux gens capables de l’apprécier. — Voilà qui est piquant comme de la moutarde, répondit le bon vivant ; en bien, soyez sage, très-noble colporteur, et prenez un autre verre de ce même flacon que j’ai tenu dans une position oblique, pour l’amour de vous comme vous pouvez le voir, sans lui permettre de reprendre sa position perpendiculaire ; et buvez-le avant que la mousse s’abaisse et que l’esprit s’évapore. — Vous me faites beaucoup d’honneur, » répondit Peveril en acceptant un second verre, » et je vous souhaite un meilleur emploi que celui de mon échanson. — Vous ne pouvez en offrir un à Will Smith qui lui convienne mieux, dit Ganlesse. Beaucoup d’autres trouvent une jouissance égoïste dans les plaisirs des sens ; mais Will est heureux du plaisir qu’il donne aux autres, et

  1. Vin de Xérès, près de Cadix. a. m.