Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/279

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l’explosion. N’êtes-vous pas le fils de Peveril du Pic, dont le nom s’allie de si près à la prélature et au papisme, qu’il n’y a pas une vieille femme dans tout le comté de Derby qui ne termine ses oraisons par la prière d’être délivrée de ces trois maux ? Et ne venez-vous pas de chez la comtesse papiste de Derby, portant en poche, à ce que j’imagine, une armée entière de soldats de Man avec armes, bagages, munitions, et le train d’artillerie nécessaire. — Si j’étais chargé d’un tel fardeau, il est probable que je n’aurais pas une si pauvre monture, » répondit Julien en riant. « Mais conduisez-moi, monsieur : je vois qu’il faut que j’attende votre confiance jusqu’à ce que vous jugiez à propos de me l’accorder ; car vous paraissez si bien instruit de mes affaires, que je n’ai rien à vous offrir en échange. — En avant donc, dit son compagnon, donnez un coup d’éperon à votre cheval et tenez-lui la bride haute, de peur qu’il ne mesure la terre avec son nez plutôt qu’avec ses pieds. Nous ne sommes pas maintenant à plus d’un demi-mille de l’endroit où nous devons nous reposer. »

Ils doublèrent le pas, et arrivèrent bientôt à la petite auberge solitaire dont l’étranger avait parlé. Quand la lumière brilla devant eux, le compagnon de Julien paraissant se rappeler tout-à-coup une idée oubliée : « À propos, dit-il, il vous faut un nom pour voyager ; car vous en portez un qui peut être dangereux, attendu que l’homme qui tient cette auberge est un partisan de Cromwell. Quel nom voulez-vous prendre ? Mon nom, pour le moment actuel, est Ganlesse. — Il n’y a aucune nécessité que je quitte le mien, répondit Julien, je suis même d’autant moins disposé à prendre un faux nom, que je peux rencontrer quelqu’un qui me connaisse personnellement. — Je vous appellerai donc simplement Julien, dit maître Ganlesse, car pour le nez de notre hôte, le nom de Peveril sentirait trop l’idolâtrie, la conspiration, les fagots de Smithfield, le poison du vendredi, le meurtre de sir Godfrey et le feu du purgatoire. »

En parlant ainsi, ils mirent pied à terre sous un grand chêne touffu qui ombrageait la table où l’on servait ordinairement la bière, et autour de laquelle avait siégé, quelques heures auparavant, la nombreuse assemblée des politiques du village. Dès que Ganlesse fut descendu de cheval, il siffla d’une manière particulière, et on lui répondit de l’intérieur de la maison.