Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/278

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cela, je rencontre un étranger qui paraît connaître fort bien mon nom et mes affaires, qui s’attache à mes pas que je le veuille ou non, et qui refuse de m’en expliquer le motif, tout en me menaçant des accusations les plus étranges. — Si j’avais projeté une semblable infamie, dit l’étranger, croyez-moi, je ne vous aurais pas donné le fil de l’intrigue. Mais soyez prudent et venez avec moi. Il y a ici près une petite auberge où, si vous voulez vous en rapporter à la parole d’un étranger, vous pourrez dormir en parfaite sécurité. — Cependant vous-même tout-à-l’heure, reprit Peveril, vous paraissiez craindre d’être observé : comment donc pouvez-vous me protéger actuellement ? — Bah ! je n’ai fait qu’imposer silence à cette bavarde d’hôtesse, de la manière qui les engage le plus promptement à se taire ; et quant à Topham et à sa paire d’oiseaux de nuit, il faut qu’ils cherchent un gibier moins recherché que je ne le serais pour eux. »

Peveril ne pouvait s’empêcher d’admirer l’air d’aisance, de confiance et d’indifférence avec lequel cet homme singulier semblait se placer au-dessus de tous les dangers qui paraissaient l’environner ; et, après avoir réfléchi à la hâte sur sa propre situation, il prit la résolution de ne pas le quitter, du moins pour cette nuit, et de tâcher d’apprendre qui il était réellement et à quel parti il était attaché. La hardiesse et la liberté de son langage paraissaient tout-à-fait incompatibles avec le métier dangereux mais lucratif que tant de gens faisaient à cette époque, celui de délateur. Sans doute de tels misérables savaient prendre toutes les formes qui pouvaient les aider à s’insinuer dans la confiance de ceux qu’ils destinaient à être leurs victimes ; mais Julien croyait découvrir dans le langage et les manières de cet homme une franchise brusque et une insouciance naturelle qui écartaient tout soupçon de son esprit. Il répondit donc, après un moment de réflexion : « J’accepte votre proposition, monsieur, quoiqu’en agissant ainsi ce soit vous accorder une confiance bien subite et peut-être imprudente. — Et que fais-je moi-même ? ne vous donné-je pas la preuve d’une confiance semblable, dit l’étranger : il y a donc entre nous réciprocité. — Mais au contraire : je ne vous connais nullement, et vous m’avez nommé. Me connaissant pour Julien Peveril, vous savez que vous pouvez voyager avec moi en toute sécurité. — Du diable si je suis convaincu de cela ! reprit l’autre ; je voyage avec autant de sécurité que si j’avais à côté de moi un pétard allumé dont à chaque instant je pourrais craindre