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hamac à demi vêtu, et marcha à tâtons dans sa petite chambre, où régnait la plus profonde obscurité. Après bien des difficultés, il trouva la porte ; mais ne pouvant venir à bout de l’ouvrir, il fut obligé d’appeler ceux qui faisaient le quart. Le patron, ou capitaine, le seul homme de l’équipage qui parlât anglais, accourut à la voix de Julien, qui lui demanda d’où provenait le bruit qu’il venait d’entendre.

« Ce n’est rien, répondit le capitaine, c’est la jeune fille qu’on emmène dans la chaloupe. Elle a un peu pleuré en quittant le bâtiment, voilà tout. »

Cette explication satisfit Julien, qui ne s’étonna pas que quelque violence eût été nécessaire pour enlever Fenella ; et quoiqu’il se réjouît de n’en avoir pas été témoin, il ne fut pas fâché qu’on eût employé ce moyen. L’obstination de la jeune fille à rester à bord, et la difficulté qu’il aurait trouvée à se débarrasser d’elle une fois qu’il aurait été à terre, lui avaient donné une inquiétude que ce coup hardi du capitaine fit cesser.

Son rêve se trouvait ainsi pleinement expliqué. Son imagination, trompée par les cris violents et inarticulés de Fenella qu’on entraînait malgré elle, avait cru entendre la voix et les accents d’Alice Bridgenorth. L’imagination nous joue souvent dans le sommeil des tours bien plus étranges.

Le capitaine ouvrit la porte enfin, et parut avec une lanterne, sans le secours de laquelle Peveril n’aurait pu que difficilement regagner son hamac, où il dormit d’un sommeil doux et profond jusqu’au moment où le capitaine vint l’appeler pour déjeuner. Il s’aperçut alors que le jour était déjà fort avancé.



CHAPITRE XX.

L’HUISSIER À VERGE NOIRE.


Quel est cet être qui me poursuit comme mon ombre, et qui ressemble à un esprit errant au clair de la lune ?
Ben Johnson.


Peveril trouva le capitaine du bâtiment moins grossier que ne le sont ordinairement les gens de sa profession, et il reçut de lui tous les détails qu’il pouvait désirer relativement au départ de Fenella, sur laquelle le capitaine faisait pleuvoir une nuée de malédictions, pour l’avoir obligé à jeter l’ancre, jusqu’à ce que la barque chargée de la reconduire à terre fût revenue.