Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/249

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sans perdre de temps, lui fit comprendre qu’il devait descendre sur le bord de la mer par une échelle très-longue appuyée contre la fenêtre du bâtiment ruiné.

Julien était à la fois mécontent et effrayé de la sécurité et de la nonchalance des sentinelles, qui avaient laissé faire de semblables préparatifs sans s’en apercevoir et sans donner l’alarme ; et il se sentit un moment le désir d’appeler l’officier de garde pour lui reprocher sa négligence, et lui prouver combien il était facile, au moyen de quelques hommes déterminés, de surprendre Holm-Peel malgré la force naturelle de sa position, et quoiqu’on le regardât comme imprenable. Fenella parut deviner sa pensée, avec ce tact et cette finesse d’observation qui la dédommageaient des sens dont elle était privée : elle posa une main sur son bras, et mit un doigt de l’autre sur ses lèvres, comme pour lui imposer silence ; Julien, sachant qu’elle agissait d’après les ordres directs de la comtesse, se soumit sans hésiter, mais avec la résolution intérieure d’informer le comte le plus promptement possible du danger auquel le château était exposé de ce côté.

Cependant il descendit l’échelle avec précaution, car les échelons étaient inégaux, en partie rompus, humides et glissants. S’étant assis à la poupe de la barque, il fit signe aux bateliers de ramer et se retourna pour dire adieu à son guide. Mais, à son extrême surprise, il vit Fenella glisser le long de l’échelle périlleuse, plutôt que la descendre, et, au moment où la barque s’éloignait, y sauter en s’élançant du dernier échelon, avec une telle agilité qu’elle se trouva près de Peveril avant qu’il eût eu le temps de lui exprimer son étonnement et de lui faire des représentations. Il ordonna aux bateliers de retourner vers l’échelle ; et donnant à sa physionomie l’expression d’un mécontentement véritable, il s’efforça de faire comprendre à Fenella qu’elle devait retourner vers sa maîtresse. Mais elle, les bras croisés, le regardait avec un sourire hautain, qui annonçait la résolution inébranlable où elle était de poursuivre son dessein. Peveril, fort embarrassé, craignait à la fois d’offenser la comtesse, et de déranger son plan en donnant l’alarme, ce qu’en toute autre circonstance il n’eût pas balancé à faire. Quant à Fenella, il était évident que tous les gestes auxquels il pourrait recourir pour l’amener à la raison ne produiraient aucune impression sur elle : la seule question était donc de savoir comment, si elle partait avec lui, il parviendrait à se débarrasser d’une compagne de voyage si singu-