Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/247

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encore employé sa suivante muette comme le ministre le plus sûr de ses volontés. Il lui sembla qu’il y avait quelque chose d’inconvenant dans ce choix, et ce fut avec un sentiment d’impatience, étrangère à la bienveillance habituelle de son caractère, qu’il vit, en ouvrant la porte, la petite sourde-muette debout devant lui. La lampe qu’il tenait à la main éclairait ses traits distinctement, et fit probablement reconnaître à Fenella l’expression de contrainte qui s’y peignait alors. Elle baissa tristement ses grands yeux noirs, et, sans les relever, elle lui fit signe de la suivre. Il ne prit que le temps nécessaire pour assurer ses pistolets dans sa ceinture, s’envelopper dans son manteau, et mettre sa valise sous son bras ; puis ils sortirent de la partie gardée et habitée du château par une longue suite de passages obscurs conduisant à une poterne, que Fenella ouvrit au moyen d’une clef qu’elle prit à un trousseau suspendu à sa ceinture.

Ils se trouvèrent alors dans la cour du château, éclairée par la lune, qui répandait une lumière terne et lugubre sur les ruines de l’édifice, et donnait à ce lieu l’apparence d’un ancien cimetière plutôt que celle d’un intérieur fortifié. La cour ronde et élevée, l’ancien monument quadrangulaire en face de la cathédrale ruinée, semblaient avoir une forme encore plus gothique et plus bizarre, vus à la pâle et douteuse clarté qui les frappait alors. Fenella se dirigea vers l’une des vieilles églises dont nous avons parlé précédemment, et Julien la suivit, malgré la secrète répugnance que ses idées superstitieuses lui faisaient éprouver à prendre ce chemin. C’était par un passage secret de cette église qu’autrefois la garde extérieure du château communiquait avec celle de l’intérieur, et c’était par là qu’on apportait tous les soirs les clefs de la place au gouverneur, lorsque les portes en étaient fermées et que les sentinelles étaient à leur poste. Depuis le règne de Jacques Ier on avait renoncé à cette coutume, et le passage avait été abandonné, surtout à cause de la légende bien connue du chien Mauthe, esprit ou démon, qui hantait cette église, sous la forme d’un gros mâtin noir à poil long. On croyait fermement qu’autrefois cet esprit se montrait si familièrement, qu’il apparaissait presque toutes les nuits dans le corps-de-garde, où il arrivait par le passage dont nous venons de parler, se retirant par le même chemin dès que le jour commençait à paraître. Les soldats, assurait-on, s’étaient accoutumés jusqu’à un certain point à sa présence, mais pas assez cependant pour se permettre