Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/226

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d’un poison narcotique, dit le major, dût-il employer les sons éclatants de la trompette. Il vaut mieux mourir bravement les armes à la main, en véritable Anglais né libre, que de descendre dans la tombe pacifique mais ignominieuse que l’esclavage ouvre à ses vassaux. Mais ce n’est pas de la guerre que je veux vous parler, ajouta-t-il en reprenant un ton plus doux ; « les maux dont l’Angleterre gémit maintenant ne sont pas tels qu’on ne puisse y remédier par l’exécution salutaire de ses lois, quel que soit leur état d’imperfection. Ces lois n’ont-elles pas droit à l’appui de quiconque vit sous leur protection ? n’ont-elles pas droit au vôtre ? »

Comme il semblait se taire pour attendre une réponse, Julien répliqua :

« Je n’ai pas encore entendu dire, major Bridgenorth, que les lois d’Angleterre soient devenues si faibles qu’elles aient besoin d’un appui tel que le mien. Quand ce malheur me sera clairement démontré, nul homme ne s’acquittera plus fidèlement de ses devoirs envers les lois du pays, comme envers son souverain. Mais les lois d’Angleterre sont sous la protection de juges intègres et éclairés, et sous celle de notre gracieux monarque. — Et sous la protection d’une chambre des communes, interrompit Bridgenorth, une chambre qui a cessé de discourir sur la monarchie restaurée, et qui, soudainement éveillée comme par un coup de foudre, a ouvert les yeux sur les périls de notre religion et de notre liberté. J’en appelle à votre conscience, Peveril : qu’elle me dise si ce réveil n’a pas eu lieu à propos, puisque vous savez mieux que personne quels pas immenses et rapides Rome a faits secrètement pour ériger son idole de superstition sur notre terre protestante. »

Julien, voyant ou croyant voir le but où tendait le discours de Bridgenorth, se hâta de lui dire, pour se disculper du soupçon de favoriser l’Église romaine : « J’ai été élevé, il est vrai, dans une famille où cette croyance est professée par une personne que j’honore, et j’ai voyagé depuis dans les pays catholiques ; mais ces circonstances même m’ont mis à portée de voir de trop près le papisme, pour adopter ces dogmes. La bigoterie des laïques, la persévérance artificieuse des prêtres, leurs intrigues pour ajouter sans cesse aux formes du culte, sans songer à l’esprit de la religion, leurs usurpations, leur empire superstitieux sur la conscience des hommes, et les prétentions impies du chef de cette Église à l’infaillibilité, tout cela dans mon esprit, ainsi que dans le vôtre, est incompatible avec la raison, la liberté de conscience