Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/211

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fils de la bonne Vierge. Mais à peine avait-il eu le temps d’éprouver ce sentiment d’effroi, qu’il l’aperçut debout devant lui sur la plate-forme inférieure du rocher. Bien qu’elle ne se fût faite aucune blessure, il ne put s’empêcher, par l’expression sévère de son regard, de lui faire entendre combien il blâmait sa témérité ; mais ce reproche, quelque intelligible qu’il fût pour elle, resta sans effet. D’un geste léger et mutin elle lui fit comprendre qu’elle méprisait et le danger et la réprimande ; et aussitôt elle renouvela avec plus de vivacité les instances muettes, mais énergiques, par lesquelles elle s’efforçait de le retenir dans la forteresse.

Julien se sentit un moment ébranlé par son opiniâtreté. « Quelque danger immédiat menacerait-il la comtesse ? pensa-t-il ; et cette jeune fille, par sa pénétration extraordinaire, aurait-elle deviné ce qui a échappé à l’observation des autres ? »

Il fit signe à Fenella de lui donner les tablettes et le crayon qu’elle portait ordinairement sur elle, et il écrivit cette question :

« Votre maîtresse a-t-elle quelque danger à craindre, pour que vous me reteniez ainsi ? — Oui, ma maîtresse est en danger, répondit Fenella ; mais il y en a davantage dans le projet que vous méditez. — Comment ? quoi ? que savez-vous de mon projet ? » s’écria Julien, oubliant dans l’excès de sa surprise que celle à laquelle il parlait n’avait ni oreilles pour entendre ni voix pour répondre. Pendant ce temps elle avait repris ses tablettes, et elle y dessina rapidement une scène qu’elle montra à Julien. À son grand étonnement, il reconnut la pierre de Goddard-Crovan, monument remarquable qu’elle avait esquissé assez exactement, et près duquel elle avait représenté un homme et une femme dont les traits, quoique indiqués seulement par de légers coups de crayon, offraient quelque ressemblance avec les siens et ceux d’Alice.

Lorsqu’il eut un instant regardé cette esquisse avec une sorte de stupéfaction, Fenella reprit les tablettes, posa son doigt sur le dessin d’un air grave et solennel, et fronça le sourcil comme pour lui défendre d’aller au rendez-vous. Julien, quoique déconcerté, n’était en aucune façon disposé à se conformer à cette défense. Quels que fussent les moyens par lesquels cette jeune fille, qui ne sortait jamais de l’appartement de la comtesse, était parvenue à connaître un secret dont il se croyait seul dépositaire, il jugeait plus urgent encore de courir à un rendez-vous où il apprendrait sans doute d’Alice comment leur secret avait transpiré. Il avait également l’intention de chercher Bridgenorth, dans l’es-