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ment, un liquide non malum in se[1] et j’aurais regardé comme indigne du ministre de la paroisse, si, ayant aidé à vider la fontaine le samedi soir, il eût prêché le dimanche matin contre l’hospitalité de l’honnête campagnard. Je lui aurais répondu que le goût seul de la liqueur aurait dû le mettre sur ses gardes ; et que, s’il en avait pris une goutte de trop, il devait en accuser plutôt sa propre imprudence que l’hospitalité de celui qui l’avait traité.

Dryasdust. J’avoue que je ne vois pas exactement comment ceci peut s’appliquer à la circonstance.

L’auteur. Non ; vous êtes un de ces nombreux argumentateurs qui ne veulent jamais suivre leur métaphore un pas au-delà de la route qu’ils lui ont tracée. Je m’explique. Un pauvre diable comme moi, fatigué de puiser dans son imagination stérile et bornée, cherche quelque sujet général, dans le champ vaste et illimité de l’histoire, qui renferme des exemples de toute espèce…, s’arrête à quelque personnage, à quelque combinaison de circonstances, ou à quelque trait frappant de mœurs qu’il juge pouvoir être avantageusement mis en œuvre comme base d’une narration fabuleuse…, les revêt des couleurs que son habileté peut lui fournir…, l’orne d’accessoires romanesques qui peuvent rehausser l’effet général… donne aux caractères les nuances qui contrastent le mieux les unes avec les autres…, et croit peut-être qu’il a rendu quelque service au public, s’il peut lui présenter une peinture fictive et animée, pour laquelle l’anecdote ou la circonstance originale dont il s’est emparé ne fournissait qu’une légère esquisse. Je ne vois pas le plus petit mal à cela. Les trésors de l’histoire sont accessibles à tout le monde, et ne s’épuisent ni ne s’appauvrissent pas plus par les données qu’on y emprunte, que la fontaine n’est mise à sec par l’eau que nous en tirons pour nos besoins domestiques. Et pour répliquer à l’accusation modérée de fausseté, portée contre un récit positivement annoncé comme une fiction, on ne peut répondre que par l’exclamation de Prior :

Morbleu, peut-on jurer du vrai d’une chanson ?

Dryasdust. Oui, mais je crains que vous ne fassiez ici qu’éluder l’accusation. On ne vous impute pas sérieusement de défigurer l’histoire, quoique je vous assure avoir vu quelques graves traités dans lesquels on avait jugé nécessaire de contredire vos assertions.

L’auteur. C’était certainement diriger une décharge d’artillerie contre un brouillard du matin.

  1. Mauvais en soi. a. m.