Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/207

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foncé que celui des Européens, et la profusion de sa longue chevelure soyeuse, qui, lorsqu’elle la détachait, tombait jusqu’à sa cheville, semblait aussi indiquer une origine étrangère. Tout en elle réalisait l’idée de la plus gentille miniature ; il y avait en outre dans la physionomie de Fenella, surtout dans son regard, une promptitude, un feu, une subtilité qu’elle devait probablement à l’absence de ses autres organes, puisque ce n’était que par celui de la vue qu’elle pouvait s’instruire de tout ce qui se passait autour d’elle.

La jolie muette possédait plusieurs talents, que la comtesse lui avait fait enseigner pour la dédommager de sa triste situation, et qu’elle avait acquis avec une promptitude étonnante. Elle était, par exemple, d’une adresse remarquable à tous les ouvrages de l’aiguille, et si habile, si ingénieuse dessinatrice, que, semblable aux anciens Mexicains, il lui arrivait souvent de crayonner rapidement une esquisse pour exprimer ses idées, soit par la représentation directe de l’objet dont elle voulait parler, soit par quelque signe emblématique. Elle excellait surtout dans l’art de l’écriture ornée, qui était fort à la mode à cette époque, et elle avait poussé ce talent si loin qu’elle aurait pu rivaliser avec les célèbres Snow, Shelley, et autres maîtres d’écriture dont les livres d’exemples, conservés dans les bibliothèques des curieux, montrent encore sur leur frontispice la figure riante de ces illustres artistes, dans tous les honneurs de la robe flottante et de la vaste perruque, à la gloire éternelle de la calligraphie.

Outre tous ces talents, Fenella possédait un esprit fin et subtil, et une intelligence remarquable. Elle était la favorite de lady Derby et des deux jeunes gens, avec lesquels elle causait familièrement par le moyen d’un système de signes qui s’était établi peu à peu parmi eux.

Mais, quoique heureuse de l’indulgence et de la faveur de sa maîtresse, dont il était rare qu’elle se séparât, Fenella n’était nullement la favorite du reste de la maison. Et, dans le fait, son caractère, aigri peut-être par le sentiment de son infortune, ne répondait pas à ses autres qualités. Elle avait dans les manières une hauteur extrême, même à l’égard des domestiques de première classe, qui, dans cette maison, étaient d’une naissance et d’une condition beaucoup plus élevées que dans les familles de la noblesse en général. Ils se plaignaient souvent non seulement de ses manières hautaines et affectées, mais encore de son carac-