Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/187

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ciel de nous envoyer un secours inespéré. Un homme d’une haute taille, d’un aspect vénérable, que nul de nous n’avait encore remarqué, parut subitement au milieu de nous, lorsque nous délibérions à la hâte sur les moyens de retraite. Son costume était de peau d’élan, et il était armé d’un sabre et d’un fusil. Jamais je ne vis rien de plus noble et de plus majestueux que son visage ombragé d’une chevelure blanche qui se mêlait à une longue barbe de la même couleur : « Hommes et frères ! » s’écria-t-il de cette voix qui arrête celui qui fuit, » pourquoi ce découragement ? pourquoi ce honteux désespoir ? Craignez-vous que le Dieu que nous servons nous abandonne à la fureur de ces misérables païens ? Suivez-moi et vous verrez aujourd’hui un chef dans Israël ! » Puis il donna quelques ordres brefs et précis, du ton d’un homme habitué à commander ; et telle fut l’influence de son aspect, de ses paroles, de sa fière contenance et de sa présence d’esprit, qu’à l’instant tous ces hommes qui ne l’avaient jamais vu s’empressèrent d’obéir. Nous nous divisâmes aussitôt, par son ordre, en deux corps ; l’un reprit la défense du village avec un redoublement d’ardeur et de courage, dans la persuasion que l’inconnu était un envoyé de Dieu : conformément à ses instructions, on prit les positions les meilleures et les plus sûres, afin d’échanger un feu meurtrier contre celui des Indiens, tandis que lui-même, protégé par la fumée de l’incendie, sortit du village à la tête de la seconde division, et après avoir fait un circuit, attaqua les guerriers rouges par derrière.

« Cette surprise produisit, comme à l’ordinaire, un effet terrible sur les sauvages : le succès fut complet. Ils ne doutaient pas qu’ils ne fussent assaillis à leur tour, et placés, par l’arrivée subite d’un détachement de l’armée de la Nouvelle-Angleterre, entre deux partis d’ennemis. Ces impies prirent la fuite dans le plus grand désordre, abandonnant la partie du village qu’ils avaient conquise, et laissant sur le champ de bataille un si grand nombre des leurs, que, depuis, leur tribu n’a jamais pu réparer cette perte. Jamais je n’oublierai la figure et la contenance de notre vénérable chef au moment où les hommes, les femmes, les enfants, délivrés par lui du tomahawk et du terrible scalpel, se réunirent autour de lui, osant à peine l’approcher, et plus disposés peut-être à lui rendre hommage comme à un ange descendu du ciel, qu’à lui adresser des remercîments comme à un simple mortel.