Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/186

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jamais les voix de chantres salariés, ni les sons de l’orgue au fond d’une cathédrale, ne monteront vers le ciel avec autant d’accord et de douceur que les psaumes dans lesquels nous unissions et nos voix et nos cœurs. Un homme excellent et vénérable, qui fut long-temps le compagnon de mes pèlerinages et qui dort maintenant dans le sein du Seigneur, Nehemiah Solsgrace, venait de commencer la prière, lorsqu’une femme, le regard effaré et les cheveux en désordre, se précipite dans la chapelle en criant : « Les Indiens ! les Indiens ! »

« Dans ce pays, nul n’ose se séparer de ses armes défensives, et, soit à la ville, soit à la campagne, soit en plein champ, soit dans les forêts, chacun a ses armes près de lui, comme les Juifs lorsqu’ils rebâtissaient le temple de Jérusalem. Nous sortîmes donc à la hâte armés de nos fusils et de nos piques, et nous entendîmes les hurlements de ces démons incarnés, qui déjà s’étaient emparés d’une partie du village, et exerçaient leur cruauté sur le petit nombre d’habitants qu’une maladie ou d’autres motifs graves avaient empêchés d’assister au service divin ; et l’on remarqua, comme un jugement de Dieu, qu’en ce saint jour profané par tant d’actes sanguinaires, un Hollandais nommé Adrien Anson, homme irréprochable aux yeux du monde, mais dont l’esprit était entièrement préoccupé des intérêts d’ici-bas, fut massacré dans sa boutique, tandis qu’il calculait le gain de la semaine. Les Indiens avaient déjà fait bien du ravage quand nous survînmes ; et quoique notre apparition les fît d’abord reculer, la confusion où nous avaient jetés cette surprise et l’absence d’un chef pour nous commander et nous rallier, tournèrent à l’avantage de cette bande infernale. C’était une chose déchirante que d’entendre les gémissements des femmes et des enfants au milieu des coups de fusils, du sifflement des balles et des hurlements féroces que ces barbares appellent leur cri de guerre. Plusieurs maisons devinrent la proie des flammes, et les mugissements de l’incendie, le craquement des poutres embrasées, augmentaient l’horreur de cette effroyable scène, tandis que l’épaisse fumée que le vent poussait contre nous donnait un avantage de plus à l’ennemi, qui, combattant pour ainsi dire invisible et à couvert, éclaircissait nos rangs par une fusillade dont tous les coups portaient. Dans cet état de confusion, et au moment où nous allions prendre la résolution désespérée d’évacuer le village et de tenter une retraite en plaçant au centre les femmes et les enfants, il plut au