Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/154

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À ces mots, elle sortit de l’appartement, et monta rapidement l’escalier.

Cependant Julien Peveril se promenait à grands pas dans la salle, attendant avec la plus grande agitation le résultat de la démarche de Deborah, dont l’absence fut assez longue pour nous donner le temps d’expliquer, en rétrogradant un peu, les circonstances qui avaient amené Julien dans la situation où il se trouvait.



CHAPITRE XII.

LES JEUNES AMANTS.


Hélas ! par tout ce que j’ai pu lire, par toutes les histoires et tous les contes que l’on m’a faits, je n’ai jamais appris que le fleuve d’amour eût un cours calme et tranquille.
Shakspeare. Songe d’une nuit d’été.


Le passage célèbre que nous avons mis à la tête de ce chapitre est fondé sur une expérience réelle, comme la plupart des observations du même auteur. Le moment où l’amour se fait sentir avec le plus de force est rarement celui qui fait entrevoir la réussite et le bonheur. L’état artificiel de la société oppose aux mariages précoces mille obstacles compliqués, et trop souvent ces obstacles deviennent insurmontables. Il y a bien peu d’hommes qui puissent remonter le cours de leur jeunesse sans retrouver le souvenir d’une tendre affection repoussée, ou trahie, ou contrariée par des circonstances funestes. Ces souvenirs de notre histoire secrète laissent souvent dans nos cœurs une teinte de romanesque, qui, même à une époque avancée de la vie au milieu des affaires les plus graves, ne nous permet pas d’écouter avec une indifférence absolue le récit d’un amour pur et véritable.

Julien Peveril avait placé justement ses affections de manière à s’assurer sa part complète de cette opposition que rencontrent si souvent les attachements contractés dans la première jeunesse. Cependant rien de plus naturel que sa conduite. Au commencement de son séjour dans l’île, dame Debbitch avait, par un pur effet du hasard, rencontré le fils de son ancienne maîtresse, celui qui avait été le premier l’objet de ses soins. Il pêchait dans la petite rivière dont on a déjà parlé, et qui arrosait la vallée habitée par Alice Bridgenorth ; la curiosité de la gouvernante vint aisément à bout de découvrir qui était ce jeune homme ; et outre l’intérêt que les femmes de son état prennent naturellement aux