Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/150

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cher de dire à demi-voix : « Que ne donnerais-je pas pour que cet homme n’eût jamais vécu, ou pour qu’il vécût encore ! — Comment ? que veut dire ceci ? » s’écria une femme qui entrait dans l’appartement comme il prononçait ces mots.

« Vous ici, monsieur Peveril, en dépit de tous les avertissements que vous avez reçus ? Vous, installé dans la maison d’autrui lorsqu’on est absent, et vous parlant à vous-même ? — Oui mistress Deborah, dit Peveril, je viens encore ici, comme vous le voyez, contre toutes les défenses qui m’en ont été faites, et au risque de tous les dangers. Où est Alice ? — Où vous ne la verrez jamais, monsieur Julien, vous pouvez être certain de cela », répondit mistress Deborah ; car c’était en effet cette respectable gouvernante. Se laissant tomber alors sur un des larges fauteuils de cuir, elle commença à s’éventer avec son mouchoir de poche, et à se plaindre de la chaleur, en s’efforçant de se donner l’air d’une femme de bon ton.

Mistress Debbitch, quoique son extérieur annonçât combien sa situation était devenue meilleure, et que sa figure offrît des signes moins favorables des ravages que vingt années avaient exercées sur elle, était, sous le rapport de l’esprit et des manières, à peu près la même qu’à l’époque où elle combattait les opinions et les volontés de mistress Ellesmère au château de Martindale. En un mot, elle était aussi volontaire, aussi opiniâtre, aussi coquette que jamais : du reste, assez bonne créature. Sa mise était celle d’une femme d’un rang distingué. Néanmoins, d’après la forme modeste de ses vêtements et l’uniformité de leur couleur, il était clair qu’elle appartenait à quelque secte qui condamnait la superfluité et l’élégance dans les habillements ; mais aucune règle, pas même celle d’un couvent de nonnes ou d’une société de quakers, ne saurait empêcher un peu de coquetterie à cet égard, lorsqu’une femme désire faire croire qu’elle peut prétendre encore à fixer les regards et à obtenir des attentions personnelles. Toute la toilette de Deborah était arrangée de manière à faire valoir, autant que possible, une femme de bonne mine, dont l’extérieur annonçait l’aisance, qui se donnait trente-cinq ans, et qui aurait eu le droit, si elle l’avait voulu, de s’en donner douze ou quinze de plus.

Julien fut obligé de supporter l’ennui de tous ses airs d’importance, et d’attendre avec tranquillité qu’elle se fût ajustée, qu’elle eût attaché quelques épingles, tiré sa coiffe en avant, puis en arrière, respiré une petite fiole d’essence, fermé les yeux comme