Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/139

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Le sang de l’agneau pascal chassa l’ange exterminateur, les sacrifices offerts sur le seuil de la maison d’Araunah arrêtèrent la peste ; le fer et la flamme sont des remèdes violents, mais ils purgent et purifient. — Hélas ! major Bridgenorth, s’écria lady Peveril, vous si sage, si modéré dans votre jeunesse, pourriez-vous avoir adopté dans un âge plus avancé les pensées et le langage de ceux qui ont, ainsi que vous avez pu le voir, conduit la nation et eux-mêmes sur le bord du précipice. — J’ignore ce que j’étais alors, et vous ignorez ce que je suis maintenant, » répliqua-t-il, puis il s’interrompit soudain. La brillante clarté de la lune frappait en ce moment sur leurs visages, et on eût dit que Bridgenorth, en se voyant exposé aux regards de lady Peveril, cherchait à adoucir son ton et son langage.

Lorsqu’elle put enfin distinguer la personne de son interlocuteur, elle remarqua qu’il était armé d’un couteau de chasse, et qu’il portait à sa ceinture un poignard et des pistolets, précaution fort extraordinaire de la part d’un homme qui autrefois ne portait même une rapière que les jours de cérémonie, quoique cet usage fût habituel parmi les hommes de son rang. Il y avait aussi dans l’expression de son visage quelque chose de plus résolu et de plus sombre que de coutume, bien que son air eût toujours été plus sévère qu’affable ; et, dans l’impossibilité de réprimer l’émotion qu’elle éprouvait, elle s’écria : « En effet, monsieur Bridgenorth, vous êtes bien changé ! — Vous ne voyez que l’homme extérieur, le changement de l’intérieur est bien plus grand. Mais ce n’était pas de moi que je voulais vous parler. Je vous ai déjà dit que, comme vous avez préservé mon enfant de l’obscurité du tombeau, je voulais sauver le vôtre de ces ténèbres, bien plus profondes qui, je le crains fort, environnent les voies où marche son père. — Je ne puis entendre parler ainsi de sir Geoffroy, dit lady Peveril ; je dois vous dire adieu pour le moment, et lorsque nous nous rencontrerons dans quelque circonstance plus favorable, j’écouterai volontiers vos avis relativement à Julien, bien qu’il soit possible que je ne les suive pas. — Ces circonstances plus convenables peuvent ne jamais se présenter, répliqua Bridgenorth ; le temps fuit, l’éternité s’approche. Écoutez ! J’ai entendu dire que votre projet est d’envoyer le jeune Julien dans cet île de sang, pour y être élevé sous la protection de votre parente, cette meurtrière sans pitié, par l’ordre de laquelle fut assassiné un homme plus digne de l’existence qu’aucun des ancêtres tant vantés dont elle s’enor-