Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/137

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taires et nocturnes, quand je songeais à vos bontés pour les morts et les vivants, j’ai souvent supplié le ciel de m’accorder les moyens de vous avertir ; et le ciel, enfin, a exaucé ma prière ! — Major Bridgenorth, vous aviez coutume d’être modéré dans vos sentiments, comparativement du moins aux dispositions où je vous trouve, et vous aimiez votre religion sans haïr celle des autres. — Ce que j’étais quand le fiel de l’amertume remplissait mon cœur et que les liens de l’iniquité me rendaient esclave, il est inutile de le rappeler aujourd’hui. Je ressemblais alors à Gallio, qui ne s’inquiétait d’aucunes de ces choses. Je fondais mes espérances sur les biens de la terre ; j’étais attaché à l’honneur, à l’estime du monde ; mes pensées étaient toutes terrestres ; et les prières que j’adressais au ciel n’étaient que de froides formalités semblables aux méditations des pharisiens : en un mot, je n’apportais sur l’autel des offrandes que de la paille et du chaume. Dieu, dans son amour, a reconnu la nécessité de me châtier, et il m’a dépouillé de tout ce qui m’attachait à la terre : l’honneur mondain m’a été ravi ; j’ai été exilé de la maison de mes pères, et je suis resté seul, désolé, humilié, battu, déshonoré. Mais qui peut deviner les voies de la Providence ? C’est de cette manière que je devins un champion de la vérité, un homme qui considère sa propre vie comme rien si la vérité en exigeait le sacrifice. Mais ce n’est pas de tout cela que je voulais vous parler. Vous avez sauvé la vie temporelle de mon enfant, je veux en récompense assurer le salut éternel du vôtre. »

Lady Peveril garda le silence. Ils approchaient alors du point où l’avenue aboutissait à la grande route, ou plutôt à un chemin de traverse pratiqué dans un champ commun, et qu’elle devait suivre jusqu’à ce qu’elle rencontrât un sentier par lequel on entrait immédiatement dans le parc de Martindale. Elle éprouvait alors un très-vif désir de revoir la clarté de la lune, et elle évitait de répondre à Bridgenorth, afin de pouvoir marcher plus vite ; mais, au moment où ils atteignaient la jonction de l’avenue avec le chemin public, le major, posant la main sur le bras de lady Peveril, lui commanda, plutôt qu’il ne la pria, de s’arrêter. Elle obéit. Il lui montra alors un énorme chêne de la plus grande taille, qui s’élevait sur l’une des hauteurs de la plaine située au bout de l’avenue, et qui semblait placé là tout exprès pour servir de perspective. La lune répandait une lumière si vive hors de l’avenue, et l’arbre vénérable en était si complètement éclairé qu’on pou-