Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/131

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et de malignité. Cependant sa conduite était non seulement juste mais généreuse : il accordait volontiers des délais pour les paiements, quand la force des circonstances obligeaient le débiteur à en demander ; mais il paraissait à lady Peveril que, dans ces occasions, le mandataire agissait d’après les ordres formels de l’homme qu’il représentait, et au sort duquel elle ne pouvait s’empêcher de prendre un vif intérêt.

Peu de temps après le mauvais succès de la négociation bizarre imaginée par Peveril comme un moyen de réconciliation, Bridgenorth avait quitté Moultrassie-House, laissant cette maison à la garde de sa vieille femme de charge ; et personne ne savait où il était allé. Il avait emmené avec lui le révérend M. Solsgrace, sa fille Alice et mistress Deborah Debbitch, installée formellement dans les fonctions de gouvernante. Pendant quelque temps le bruit courut que le major Bridgenorth ne s’était retiré dans quelque partie éloignée du pays que pour exécuter son projet d’épouser mistress Deborah, et donner le temps à la surprise de s’affaiblir et aux railleries de s’épuiser, afin de la ramener ensuite à Moultrassie-House comme dame et maîtresse. Mais ce bruit cessa comme tant d’autres, et il parut certain alors qu’il était passé dans les pays étrangers pour assurer la santé de sa fille, dont la constitution était si délicate. Mais en se rappelant l’horreur du major pour le papisme et la haine encore plus prononcée du digne Nehemiah Solsgrace, on convenait unanimement qu’il n’y avait que l’espérance de convertir le pape qui pouvait les avoir déterminés à mettre le pied sur une terre catholique. L’opinion la plus générale fut qu’ils étaient allés à la Nouvelle-Angleterre, alors le refuge de ceux qui avaient pris trop de part aux affaires des derniers temps, ou que le désir de jouir d’une liberté de conscience illimitée engageait à s’exiler dans la Grande-Bretagne.

Lady Peveril ne pouvait s’empêcher de nourrir le vague soupçon que Bridgenorth n’était pas aussi éloigné. L’ordre extrême avec lequel tout était tenu à Moultrassie-House et qui faisait honneur à dame Dickens, la femme de charge, ainsi qu’aux autres domestiques, semblait indiquer que l’œil du maître n’était pas tellement loin que son inspection ne fût à craindre d’un moment à l’autre. Il est vrai que ni les domestiques ni le procureur ne répondaient jamais aux questions qu’on leur faisait sur la résidence actuelle de Bridgenorth ; mais ils avaient, quand on les in-