Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/127

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

me suis donc déterminé à vous offrir, par l’entremise de mon ami, sir Jasper Crambourne, un rendez-vous pour la satisfaction que sans doute vous ne pouvez manquer de désirer. Sir Jasper vous fera connaître la longueur de mes armes, et réglera avec vous l’heure et les circonstances de notre rencontre, qui aura lieu le soir ou le matin, à pied ou à cheval, au sabre ou à l’épée. Je laisse le tout à votre choix ; et je m’en rapporte également à vous pour les autres privilèges qui appartiennent à toute personne provoquée, vous priant seulement, dans le cas où il ne vous conviendrait pas de vous battre avec une arme semblable à la mienne, de m’envoyer la juste dimension de la vôtre. Du reste, je ne doute pas que l’issue de ce rendez-vous ne mette fin d’une manière ou d’une autre à tout ressentiment entre proches voisins.

Je demeure votre très-humble serviteur,

Geoffrey Peveril du Pic. »
Donné en mon pauvre château de Martindale, le… 1660.


« Portez mes respects à sir Geoffrey Peveril, dit, le major Bridgenorth ; ses intentions à mon égard peuvent être bonnes, selon ses lumières ; mais dites-lui que notre querelle a pris naissance dans une agression toute volontaire de sa part envers moi, et que, bien que je désire vivre dans un esprit de charité avec tous les hommes, je ne tiens pas à son amitié au point d’oser violer les lois de Dieu, et de m’exposer au risque d’être assassin ou assassiné pour la regagner. Quant à vous, monsieur, il me semble que votre âge avancé et vos malheurs passés devraient vous éclairer sur la folie du vain message dont vous vous êtes chargé. — Je m’acquitterai de votre commission, monsieur Ralph Bridgenorth, dit sir Jasper, et je m’efforcerai ensuite d’oublier votre nom, comme indigne d’être prononcé par un homme d’honneur et conservé dans sa mémoire. Et en retour de votre avis passablement incivil, veuillez recevoir le mien : c’est que, puisque votre religion vous empêche de donner satisfaction à un gentilhomme, elle devrait aussi vous apprendre à éviter de l’offenser. »

À ces mots, et avec un regard de souverain mépris adressé d’abord au major, puis au ministre, il enfonça son chapeau sur sa tête, remit sa rapière dans le fourreau, et quitta l’appartement ; quelques minutes après les pas de son cheval se perdirent dans l’éloignement. Dès qu’ils eurent cessé de se faire entendre, Bridgenorth, qui était resté le front appuyé sur sa main, releva la tête,