Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/120

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la maison. Le ministre congédié employa ses matinées à faire des visites aux différentes familles du voisinage qui, pendant les jours de prospérité, l’avaient vu avec plaisir exercer le saint ministère, et dont le souvenir reconnaissant était une douce consolation à ses peines. Il ne demandait pas qu’on le plaignît de ce qu’il perdait un poste convenable et avantageux, et se trouvait dans une situation précaire, après avoir eu lieu de supposer qu’il était pour jamais à l’abri de pareils changements de fortune. La piété du docteur Solsgrace était sincère ; et s’il avait conçu contre les autres sectes des préventions peu charitables, engendrées par la controverse polémique, et fortifiées par la guerre civile, il avait aussi ce sentiment profond du devoir qui donne de la dignité à l’enthousiasme, et il était prêt à sacrifier sa vie même, si cela était nécessaire, pour rendre témoignage de sa croyance ; mais le plus douloureux pour son âme, c’était la nécessité de s’éloigner du canton que, selon lui, le ciel avait confié à ses soins comme une portion de la vigne du Seigneur, et d’abandonner son troupeau au loup prêt à le dévorer ; c’était de se séparer des fidèles avec lesquels il était lié par les saints nœuds de la religion ; c’était de laisser les nouveaux convertis sur le bord du précipice dont il les avait retirés, et en danger de retomber dans les erreurs des fausses doctrines ; c’était de livrer à elles-mêmes les âmes qui chancelaient encore, et que ses efforts continuels seraient parvenus à maintenir dans le droit sentier. Tels étaient les motifs de son affliction, qu’aggravaient probablement encore ces sentiments naturels avec lesquels tous les hommes, et surtout ceux que leurs devoirs et leurs habitudes renferment dans un cercle étroit et borné, considèrent la nécessité d’abandonner le séjour où ils vécurent si long-temps, les lieux où ils aimaient à promener leurs rêveries solitaires, le pays où ils avaient leurs tranquilles relations de société.

Il est vrai qu’on avait conçu le projet de placer M. Solsgrace à la tête d’une congrégation de non-conformistes dans la même paroisse, congrégation que les sectateurs devaient doter d’un revenu convenable. Mais quoique l’acte de conformité universelle ne fût pas encore passé, on savait que cette mesure ne pouvait tarder à être prise, et l’opinion générale parmi les presbytériens était que personne ne se montrerait plus disposé à la faire exécuter strictement que Peveril du Pic. Solsgrace, lui, considérait son danger personnel comme imminent ; car, s’attribuant peut-être plus