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un aïeul du présent auteur. Cette femme lui fait signe qu’elle demande un abri pour la nuit. Selon la coutume du temps, il lui fut accordé de bon cœur. Le jour suivant, la terre était couverte de neige, et le départ de la voyageuse était devenu impossible. Elle resta là pendant quelques jours. La nourriture ajoutait peu à la dépense d’une maison considérable. Lorsque la température fut plus douce, elle avait appris à s’entretenir par signes avec la famille qui était avec elle, et put leur faire comprendre qu’elle désirait rester où elle était, et qu’elle travaillerait à la roue ou à tout autre métier pour compenser la dépense de son entretien. C’était un contrat ordinaire alors, et la femme muette entra à cette condition, et prouva qu’elle n’était pas un membre inutile de la patriarcale famille. Elle filait, tricotait et cardait à merveille, et donnait à manger à la volaille qu’elle élevait. Le cri qu’elle faisait pour réunir sa basse-cour était si singulier et si perçant, que ceux qui l’entendaient pensaient qu’il n’était pas possible que ce fût la voix d’un être humain.

Elle vécut de cette manière trois ou quatre ans ; et pendant ce temps il ne vint même pas à l’idée qu’elle pût être autrement que muette comme elle s’était montrée jusqu’à présent, lorsque dans un moment de surprise elle laissa tomber le voile qu’elle avait porté si long-temps.

Cette découverte se fit un dimanche que tous les hôtes de la maison étaient à l’église, excepté la muette Lizzie, que l’on supposait, à cause de son infirmité, incapable de profiter du service divin, et qui, en conséquence, restait à la maison qu’elle gardait. Il arriva que comme elle était assise à la cuisine, un malin jeune berger, au lieu de veiller son troupeau qui était dans un clos, selon son devoir, s’introduisit dans la maison pour voir ce qu’il pourrait enlever ou peut-être même par pure curiosité. Quelque chose le tenta et ne se croyant pas vu, il mit la main dessus pour se l’approprier. La muette vint soudain sur lui et dans sa surprise oublia son rôle, et s’écria en écossais et d’une voix forte et accentuée « Ah ! petit drôle, enfant du diable ! » Le jeune garçon fut moins effrayé de la cause qui le faisait réprimander que du caractère même de la personne qui lui avait parlé, et il courut, tremblant, à l’église, pour apprendre la nouvelle miraculeuse de la muette qui avait retrouvé sa langue.

La famille retourna chez elle grandement surprise, mais elle retrouva la muette dans son état ordinaire. Elle communiquait