Page:Œuvres de Walter Scott, Ménard, traduction Montémont, tome 18, 1838.djvu/108

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

que pour broder vos manchettes. Jamais femme au-dessus de seize ans n’a brodé sur du blanc sans lunettes, comme le sait milady. Quant à soupçonner, je ne soupçonne rien ; car, comme il a plu à Votre Seigneurie de soustraire mistress Deborah Debbitch à mon autorité, c’est une affaire qui ne me regarde plus : ni beurre ni pain n’est à moi de ce côté. Seulement, milady, si mistress Deborah va si souvent à Moultrassie-House, il se pourrait bien qu’un matin elle ne retrouvât plus le chemin pour en revenir. » En parlant ainsi, elle serrait tellement les lèvres, que les sons pouvaient à peine s’en échapper, et qu’on eût dit qu’elle voulait retenir la moitié des mots qui semblaient sortir de sa bouche comme malgré elle.

« Encore une fois, Ellesmère, que voulez-vous dire ? Vous n’êtes cependant pas dépourvue de bon sens. Voyons, dites-moi clairement de quoi il s’agit. — Il ne s’agit de rien, madame, poursuivit la duègne, si ce n’est que, depuis que Bridgenorth est de retour de Chesterfield, et est venu vous voir au château, il a paru convenable à mistress Deborah de conduire les enfants tous les matins dans une certaine partie du parc où le hasard a voulu qu’elle ait rencontré régulièrement le major, comme on l’appelle. Et au fait, cet homme peut se promener comme un autre ; et je vous garantis que cette rencontre n’a pas été pour elle la plus mauvaise de toutes celles qu’elle a pu faire ; d’une manière au moins, car elle s’est acheté un nouveau chaperon, digne en vérité, de servir à milady. Mais y a-t-il eu quelque autre chose qu’une pièce d’or dans sa main, c’est ce dont Votre Seigneurie doit être meilleur juge que moi. »

Lady Peveril, naturellement disposée à interpréter de la manière la plus favorable la conduits de la gouvernante de ses enfants, ne put s’empêcher de rire en voyant soupçonner d’intrigues amoureuses un homme d’une tenue aussi rigide, de principes aussi sévères et de manières aussi réservées que Bridgenorth ; et elle conclut de ce qu’elle venait d’entendre que mistress Deborah avait trouvé quelque avantage à satisfaire la tendresse paternelle du major, en lui procurant la vue de sa fille, dans l’intervalle qui s’était écoulé entre sa première visite au château et les derniers événements. Cependant elle commença à s’étonner, lorsqu’elle vit qu’une grande heure s’était écoulée depuis le déjeuner, sans qu’Alice et la gouvernante eussent reparu ; et cet étonnement s’accrut bientôt à la vue du domestique de Bridgenorth, qui arriva